Château de la Gaude
« Aix-en-Provence : l’avènement gourmand de la Gaude »
On l’avait quitté au domaine de Manville aux Baux de Provence où il avait vite obtenu l’étoile. Matthieu Dupuis-Baumal a ouvert sa nouvelle table dans le château de la Gaude, près d’Aix-en-Provence. Ce beau domaine de vin de 25 ha de terrain dont 17 ha de vigne, propriété de Didier Blaise, servit jadis de décor au « Château de ma Mère », le film d’Yves Robert, dans lequel il représenta la noble demeure du notaire. De fait, le lieu impressionne, avec sa haute façade jaune, ses jardins à la française, ses parterres d’eau dressées en canal.
Pigeon voyageur de la cuisine contemporaine, ayant fait ses classes au Waterside Inn de Bray-on-Thames, au Palais à Biarritz, au Puits Saint-Jacques chez Bernard Bach à Pujaudran, au Cinq époque Briffard et à la Grande Cascade à Paris, avant Troisgros à Roanne – durant quatre ans ! -, Matthieu Dupuis-Baumal y a construit sa tanière, instillant sa manière, s’enracinant dans cette Provence de carte postale, non loin de la Sainte-Victoire chère à Cézanne. Les chambres sont douces et belles, le service sourit, le costume des serveurs et des serveuses en beige évoquent une sorte de pays légendaire.
Voilà le prélude à une cuisine à la fois ludique, parfumée et fringante. Les idées de cuisine provençale s’y frittent aux saveurs d’ailleurs. Comme ces amuse-bouches présentés façon « bento box » à la japonaise, ce joli fenouil si parfumé cuit en croûte d’argile, qui se frotte aux herbes du jardin, se livrant rafraichi à la pomme verte et caramélisé au miso. On aime aussi le jeu de tomates et son jeu de textures en variations légères, marinées au poivre Timut, avec ses pêches acidulées, sa burrata onctueuse.
La mer vient là en contrepoint surprenant, jamais évident, comme cette sériole marinée flanquée de chou pakchoï et d’ ail noir ou encore ces carabineros rôties à la cachaça, son tartare et son wasabi glacé. Le homard de petit bateau nacré, cuit en cocotte, avec sa pastèque rôtie, sa fleur de courgette, donne lieu à bel exercice de style de découpe au guéridon. Il y a encore le mariage du lapin et de la langoustine, avec aubergine et ratatouille à la figue, le pigeon fermier voyageur gratiné au satay, flanqué de mangue épicé, qu’escorte ensuite la brochette de ses abattis.
Les vins d’un sommelier bordelais un peu excentrique sortent volontiers du domaine, même si blanc la Treille et rosé de la Gaude font, en fraîcheur, des accompagnements naturels. Le riche blanc de bandol du domaine Tempier ou le rouge de Raye-Jane, comme celui, si élégant et bien en condition avec neuf ans d’âge, du voisin château Simone en AOC Palette font des escortes de grande classe. On n’oublie pas un porto Ramos Pinto qui se mariera avec le chocolat, présenté dans tous ses états: grands crus de cacao en sorbet, ganache chaude Altapaz, mousse Vibrato.
On loue encore les compositions sur le thème des fruits : rhubarbe et framboise avec crème fermière et sablé croustillant, abricot au romarin, pain de Gênes aux amandes et gianduja à la cacahuète ou encore tuiles caramélisées à l’orange, citron et olives. Bref, voilà du beau, du fin, du grand, du voyageur pour une table de haute volée appelée à un bel avenir !