Lapérouse
« Paris 6e : Lapérouse, mythe retrouvé »
Comme le phénix, qui, s’il meurt un soir, le matin voit sa renaissance, Lapérouse connaît une nouvelle jeunesse. Cette maison réputée, créée en 1766 par Lefèvre, limonadier du Roi, eut trois étoiles, de 1933 à 1969, sous l’égide de Roger Topolinski. Divers essais, avec de nombreux chefs, comme, un temps, Pascal Barbot, avant l’Astrance, ont tenté de lui redonner vie. Benjamin Patou du groupe Moma Group, associé à Antoine Arnault, vient de s’y coller bravement, confiant la décoration à Laura Gonzalez, qui a gardé là l’esprit d’une demeure XVIIIe-XIXe avec ses petits et grands salons, son bar au rez de chaussée, ses plafonds peints, ses stuc, ses froufrous, ses couleurs chamarrées.
La cuisine est signée Jean-Pierre Vigato, les desserts Christophe Michalak, le service est enlevé avec une kyrielle de jeunes gens dynamiques ayant effectué leurs classes dans de belles maisons, notamment dans le groupe Ducasse. La cave a retrouvé son lustre, sous la houlette du compétent Thomas Evangelista. On prend un verre de « limosa » (limoncello, champagne, Perrier, Suze bitter, jus de citron vert) préparée par la malicieuse Audrey Barbalat au bar avant de rejoindre sa table. Salles au 1er ou 2e avec vue sur la Seine, ou encore salons discrets et privés : il y a le choix.
Les couleurs et tissus choisis par Laura Gonzalez font leur petit effet. Côté assiette, le thon teryaki et gaspacho en amuse bouche, les poissons bleus laqués et algues, avec maquereau, homard au miel, crevettes Obsiblue en tartare, le rituel pied de cochon en galette croustillante, tranché un peu mince, plat fondateur de la manière rustico-chic de Jean-Pierre Vigato, ou encore le homard bleu rôti, avec son corail en miettes et son jus de noisettes font leur petit effet, même si les goûts se répètent un peu d’une assiette l’autre. Et surtout s’ils se révèlent (erreur d’un soir?), tous ou presque, très voire beaucoup trop salés.
Les desserts (comme le vacherin glacé aux fraises avec sa meringue craquante ou le splendide et si gourmand mille-feuille glacé caramel/passion) se révèlent l’une des parties fortes de la maison. Et côté cave, le rituel château de Sales, pomerol ici de fondation, fruité et profond en 2015, fait un bien joli flacon. Vive Lapérouse retrouvé !