Les chuchotis du lundi : les 20 ans d’Eric Frechon au Bristol, Cyril Lignac dit m… au Michelin, Jean-Georges Vongerichten à Paris, adieu à Raymonde Bocuse, Sergio Mei au Baretto, le cas Préalpato, Mathias Dandine à Gémenos, le retour de Ludovic Bonneville

Article du 17 juin 2019

Les 20 ans d’Eric Frechon au Bristol

Avec Eric et Clarisse Fréchon © GP

Il bénéficie d’une forte cote d’amour. Le plus modeste des trois étoiles à Paris, c’est lui sans doute qui fêtait ses vingt ans de présence au Bristol, lundi soir, lors de la garden party annuelle du palace de la rue Saint-Honoré. En présence de grands chefs amis, comme ses voisins Pierre Gagnaire et Christian Le Squer, mais aussi Christian Constant qui fut son maître d’armes au Crillon, sans oublier le meilleur sommelier du monde, Enrico Bernardo, Eric Frechon a rendu hommage aux siens, à Franck Leroy, son fidèle second MOF, comme à toutes ses équipes, au regretté pâtissier disparu, Laurent Jeannin, à tous ceux qui l’entourent, à comment par Clarisse, son épouse et RP d’élite. L’une des plus belles soirées de Paris, malgré la pluie qui a rendu le lieu plus chaleureux encore.

Cyril Lignac dit m… au Michelin

Cyril Lignac © GP

C’est la grosse colère anti-Michelin de la semaine : celle qu’a poussé cette semaine le très cathodique Cyril Lignac contre le guide Michelin. Au départ, un interview à notre confrère Le Monde largement relayé par tous les médias, dans lequel la star d’M6, formé chez les frères Pourcel et Alain Passard qui a décidé de ferme sa table étoilée du Quinze pour jouer le style tendance, tel qu’il s’exprime avec talent aussi bien au Chardenoux dans le 11e que Aux Prés dans le 6e et dans son bar japonisant tout voisin (le Bar des Prés) de la rue du Dragon. « À partir du moment où le Michelin te distingue, tu n’es plus chez toi : tu fais la cuisine pour les inspecteurs. Tu as peur de perdre ton étoile, tu en veux une deuxième. Et ça, ça ne me convient plus », a-t-il précisé. En ajoutant : est « le Michelin déconnecté de la réalité ». Et de souligner que les journées du chef étoilé selon lesquelles « on bosse dix-huit heures, on tourne nos artichauts en espérant que ça plaira à l’inspecteur, on a du mal avec les factures à la fin du mois, certains chefs se mettent des prêts à des millions d’euros sur le dos pour faire un resto dont ils espèrent qu’il vaudra trois étoiles. Et le Michelin vous dit indifféremment tout va bien, ou encore il faut continuer encore plus fort, parfois les deux en même temps ! ». Il avoue enfin « travailler sur un nouveau Quinzième, complètement différent de ce qu’il est aujourd’hui. » Et ce sera, assure-t-il, « selon mes codes, sans me soucier du Michelin ».

Jean-Georges Vongerichten à Paris

Jean-Georges Vongerichten © GP

Il n’est pas souvent à Paris. Il est l’Alsacien conquérant de New-York, l’homme aux 36 restaurants. Jean-Georges Vongerichten était chez lui, au Market, son annexe parisienne, lundi soir dernier, le temps d’une repas de charité, qui a permis de récolter 650000 € au service d’une bonne cause, celle de la lutte contre le cancer des enfants, avec son ami Alain Passard de l’Arpège et Alexandre Bader de Billecart-Salmon et avec le concours de la maison Petrossian. Il a notamment conquis l’assistance huppée (dont Pierre Hermé et Michel Rostang) avec un fameux toast grillé à l’oeuf (à 60° et au caviar). Magistral!

Adieu à Raymonde Bocuse

Raymonde et Paul Bocuse © Stéphane de Bourgies

Elle était l’élégance même, le raffinement, la discrétion, veillait sur l’auberge de Collonges, comme sur son turbulent mari. Le Feu Sacré, les mémoires autorisées de Paul Bocuse, avait révélé qu’elle était à a fois sa marraine de guerre légendaire, sa vigie, la première de ses trois femmes, la mère de Françoise, l’épouse de Jean-Jacques Bernachon, la gardienne du temple. Elle disparaît, comme elle avait vécu, sans faire de bruit, avec délicatesse. Dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, elle nous quitte silencieusement à 93 ans. RIP Raymonde Bocuse.

Sergio Mei au Baretto

Alberico Penati et Sergio Mei © GP

Il était le mage sarde du Il Teatro, au Four Seasons via Gesu, dans le triangle de la mode à Milan, l’auteur du très végétarien « Ne carne ne pesce » (« ni viande, ni poissons »), a formé maints grands chefs qui se sont distingués à Paris, en Corse et ailleurs (on songe à Davide Bisetto, hier à la Casa del Mer de Porto Vecchio, au Il Carpaccio du Royal Monceau, aujourd’hui au Ore de la Giudecca à Venise). Sergio Mei, qui n’a jamais renié ses racines sardes, est venu rendre hommage à son ami Alberico Penati au Baretto, la semaine passée, pour une trop petite série de repas à quatre mains, faisant des miracles gourmands autour de la fregula, du pan carasau, du rouget à la semoule, des spaghetti aux oursins,  des seadas, rue Balzac à Paris, chez le bouillonnant vénitien Pier Silli, dans l’une des rares maisons étoilées italiennes de la capitale. Un menu pédagogique comme une démonstration de qualité.

Le cas Préalpato

Jessica Prealpato © DR

Elle n’est pas forcément la meilleure pâtissière de son quartier (il y a Maxime Frédéric et sa fameuse fleur de vacherin au tout voisin George V), ni l’auteure des plus beaux desserts du monde (les siens sont légers, peu sucrés, délicieux, mais pas forcément les plus instagrammables, comme l’a fait justement remarquer notre confrère du Huffington Post). Mais Jessica Préalpato, trentenaire gracieuse, vaillante et lumineuse, qui joue la « naturalité » avec passion, rejette la crème, la mousse, l’excès de sucre avec passion, travaille les fruits et les herbes en majesté, le chocolat avec malice (et une fabuleuse glace au whisky), au restaurant Alain Ducasse du Plaza-Athénée. Elle vient de remporter le titre de « meilleur pâtissier du monde » qui lui sera remis en fin de mois à Singapour. Elle succède ainsi à des français stars comme Pierre Hermé et Cédric Grolet, indiquant que la pâtisserie et l’art sucré en général sont devenus une spécialité hexagonale. Et même si les ibères, les italiens ou les anglo-saxons, comme les asiatiques, trustent les places d’honneur du World50Best,  le lobbying français qu’exerce la nouvelle directrice itinérante des Wolrd50Best, ex patronne du marketing du magazine « trois étoiles », Hélène Pétrini, commence à payer.

Mathias Dandine à Gémenos

Mathias Dandine © GP

On l’a connu au Lavandou aux Roches et à Bormes-les-Mimosas. Il a dirigé les cuisines du Saint-Estève à l’Hôtel des Lodges, au Tholonet près d’Aix, où il a reçu l’onction d’une étoile. Mathias Dandine reste fidèle à la Provence en  s’installant à la Magdeleine,  imposante et ancestrale bastide du village de Gémenos dans les Bouches-du-Rhône. Située au pied de la Sainte Baume, sa Magdeleine jouit d’un parc de deux hectares, d’une orangerie, d’une piscine, de vingt-huit chambres et bien sûr tout l’espace pour créer un restaurant. Ouverture prévue fin juillet.

Le retour de Ludovic Bonneville

Ludovic Bonneville © DR

On l’avait connu au Warwick, aux Champs Elysées, où il dirigeait les cuisines du W, aussi bien en terrasse qu’en salle près du bar, jouant une cuisine malicieuse, dans le vent, bistronomique et de qualité, sachant manier l’ancien comme le moderne. Après un bref détour par l’Hoxton, dans le Sentier, il est revenu dans le groupe Warwick, en reprenant les fourneaux de l’historique Westminster, où il supervise autant la carte du très chic et très british « Duke’s Bar », que celle du Celadon, qui fut étoilé, avec Christophe Moisand, mais est revenu à davantage de modestie. Ce qui ne veut pas dire que la qualité soit en berne. Orléanais bûcheur, formé autant en gestion qu’en cuisine, passé chez lui au Senso, au Nautil, au Pylone, et au Brin de Zinc, puis à Paris à la Terrasse Mirabeau chez Pierre Nègrevergne, il compose une carte dynamique où le poulpe grillé avec sa vinaigrette fumée voisine avec le ris de veau en crépines aux morilles fraîches. Et, côté bar, joue autant avec le risotto de gambas avec un riz noir qu’avec l’un des meilleurs club-sandwiches de Paris. A revisiter d’urgence!

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