Stresa

Antonio Faiola et les desserts © GP

Evidemment, je vous entends déjà et vous vois venir, vous les spécialistes de l’Italie, arguant du fait que l’enseigne de la maison repose sur une imposture. Stresa, c’est le Nord de l’Italie, les bords de lac Majeur, la proximité des îles Borromées, tandis que les frères Faiola, qui l’animent avec chic, entrain et élégance, sont eux natifs du Lazio, en lisière de Campanie, à l’extrême Sud, ou presque, en tout cas aux environs de Naples. Mais qu’importe, car c’est eux, ces cinq charmeurs (le 6e, Alfredo, est à Cassis, à la Goccia d’Olio), et le fils de l’un d’entre eux, en cuisine, qui ont donné son âme neuve à cette demeure années 1950 avec ses boiseries, ses beaux luminaires, ses banquettes de velours rouge, ses tables serrées, ses petites salles discrètes.

Courgettes fleurs farcies © Maurice Rougemont

Bref, les Faiola ont créé, avec cette demeure hors norme,; une sorte d’événement permanent. Chacun possède son look, son charme, sa tenue. Les deux jumeaux, Antonio et Claudio mènent la danse. Ils ont la sagesse de savoir qu’ils ne sont pas des stars. Mais donnent le sentiment à tout un chacun d’en être. César était un habitué, qui a laissé ici photos, gravures et compression. Carla Bruni y mène son mari, un certain Nicolas S., qui viennent tous deux y dîner tôt en catimini dans un coin de table, cachée dans le mini couloir. Delon et Belmondo, qui ont donné leur nom à des pâtes maison, sont également des habitués. Aujourd’hui, ou plutôt hier midi, Jean Nouvel, architecte chic et gourmand périgourdin, pas un cheveu blanc à 66 ans, était là en terrasse. Bref, les people, mais aussi vous et moi, sont, étaient et seront là pour le plaisir, celui de l’ambiance unique, celui du goût classique retrouvé, sans nulle chimie et sans épate. Avec la vérité des produits maison, l’admirable jambon de Parme affiné 24 mois, les anti pasti misti de légumes, les petites pizzas fines, les artichauts qui se mangent entier, délicatement.

Rigatoni tomates et saucises © Maurice Rougemont

On n’oublie pas, au passage, les vins exquis, drôles, vifs, séveux: séducteur Lodaï de la Tenuta Fertuna, riche Il Difese de la Tenuta San Guido (qui produit Sassicaia), fringant Peppoli du marquis Antinori, ou encore le dernier coup de coeur maison, le rouge Teroldego Rotaliano de l’Azienda Agricola Foradori à Mezzolombardo dans le Trentin: un vin de plaisir et de soif, de sève et de fruit, qui réunit les qualités des trois premiers cités et se goûte aussi bien sur les exquis rigatoni à la tomate et aux saucisses de porc relevées que sur le saltimbocca de veau à la sauge à la romaine servi avec des haricots verts al dente.

Salade de roquette et parmesan © Maurice Rougemont

Après cela, la panna cotta aux fruits rouges, le meilleur tiramisu du monde, le plus fin, le café en ristreto ou, mieux, en « crema di caffè », comme on l’aime: voilà ce qu’on trouve dans cette maison classique et de tradition. Où seuls les prix rappellent que nous sommes tout près de l’avenue Montaigne en 2011…

Le tiramisu © Maurice Rougemont