Les chuchotis du lundi : qui veut la peau de Sinapian ? Chicago capitale gourmande, le pari réussi de Chatenier, les Dumant rachètent les Crus de Bourgogne, Pégouret au Sergent Recruteur, Christelle Brua à l’Elysée, Méjanès le La Bruyère de la chronique, Dandine quitte Aix
Qui veut la peau de David Sinapian ?
Mi-octobre les Grandes Tables du Monde seront réunies en congrès au Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat afin d’élire leur nouveau bureau de onze membres qui devrait, à son tour, élire le nouveau président. Depuis cinq ans, David Sinapian, le mari d’Anne-Sophie Pic et le gestionnaire de son groupe, qui s’est développé à Valence, Londres, Paris et bientôt Singapour, a eu le temps d’affirmer sa personnalité. Jamais on n’a autant parlé des Grandes Tables du Mondes, mais jamais son président n’a fait autant question. Il n’est pas un homme du sérail, ni cuisinier, comme son prédécesseur, Marc Haeberlin, ni homme de salle, comme le furent, avant lui, Jean-Claude Vrinat ou Jean-Pierre Haeberlin. « Nul ne l’a jamais vu découper une volaille« , lance en riant un membre de l’association. « Il a la distance naturelle d’un élève d’une école de commerce« , glisse un membre du bureau, qui ajoute : « il n’a pas d’empathie avec les membres, pas l’écoute des chefs… » Reste à savoir s’il sera candidat à sa propre succession. Certains, qui souhaitent pousser en avant un cuisinier, songent à Yannick Alléno, dont l’autorité et le charisme auprès des cuisiniers – il possède deux maisons ayant trois étoiles – est incontestée. Ou encore à Jean-François Piège, valentinois d’origine et copain de classe d’un certain … David Sinapian. Les candidatures du futur bureau de onze membres pourront se déclarer entre mi-juin et fin août. Prochaine réunion du bureau : le 13 juin à Paris.
Chicago capitale gourmande
33 « awards » récompensant des talents variés, des artisans de bouche de haute volée (la pâtissière Kelly Fields à la Villa Jean de la Nouvelle Orléans), des tables en vogue et montantes, prometteuses ou exceptionnelles (« outstanding« ), tel « Zahav » (l’or, en hébreu, de Michael Solomonov à Philadelphie), un très remarqué « liftime achievement award », autrement dit la récompense pour l’oeuvre d’une vie, au grand Patrick O’Connell, le pionner de la grande cuisine américaine en Virginie, au Inn at Little Washington, qui a obtenu d’ailleurs cette année, précisément, les 3 étoiles au Michelin, plus un saupoudrage malicieux à travers toutes les couches d’âge, de sexe, de genre, d’origine, métissages compris mais aussi de régions, à travers toute l’Amérique, d’Ouest en Sud, du Sud au Nord: c’est la leçon magistrale offerte lundi soir dernier à l’Opéra de Chicago, avec la présence active du maire Rahm Emmanuel, l’ex chef de cabinet d’Obama, par les James Beard Awards, qui font figure de « Golden Globes » gastronomiques depuis trente ans. Présentation brillante de l’acteur Jesse Tyler Ferguson, discours magistraux de tous les récipiendaires (avec la palme à Patrick O’Connel, mais aussi celle de l’émotion à Ann Kim de Young Joni à Minneapolis. La vedette? Ce fut Chicago, qui chipe ainsi le leadership à NewYork, présentant les James Beard Awards depuis trois ans et qui ont resigné pour trois ans, tout en décrochant quatre timbales : meilleur boulanger, meilleur restaurant design, meilleur restaurateur exceptionnel (« Boka »), meilleure table des grands lacs (« Parachute »). Chapeau Chicago!
Le pari réussi de Nicolas Chatenier
Il était présent à Chicago ! Seul grand communiquant français assistant au James Beard Awards, Nicolas Chatenier, délégué général des Grandes Tables du Monde et son vice-président, indiquait par sa présence l’importance de l’enjeu. « Il s’agit de voir ce que font nos voisins d’Amérique et, au besoin, prendre des leçons. L’intention était juste, pour l’ex patron de la Table Ronde à Paris, devenu le spécialiste ès medias des GTDM et le lieutenant, contesté hier, de David Sinapian, indiquant ainsi que non seulement il est toujours dans le coup. Mais qu’en plus il a bien un coup d’avance. Il se murmure que, même si David Sinapian (voir plus haut) devait être délogé de son poste, Chatenier, lui, resterait à sa place.
Les Dumant rachètent les Crus de Bourgogne
Ils sont les rénovateurs des bons bistrots, se cantonnaient jusque là aux beaux quartiers (16e et 7e), jouaient un peu rallye à l’ancienne, ont le sens du décor et de l’histoire, collectionnent les menus, les vieilles plaques, les lieux de caractère avec amour. Les frères Dumant, Jérôme et Stéphane, à qui on doit déjà l’Auberge Bressane, les Marches (qu’adore Brigitte Macron, aux pieds du palais de Tokyo), le Paris XVI, Aux Bons Crus ou la Pizzeria d’Auteuil, ont racheté les Crus de Bourgogne, rue de Bachaumont dont ils ont fait leur chef d’oeuvre. On connaissait jadis le lieu pour son foie gras et son homard à petits prix, mais il faut bien le dire, de qualité moyenne. Avec la complicité de leur chef exécutif Alexis Blanchard et de la jeune génération Dumant, dont les jumeaux Félix et Margot, ils ont composé une carte malicieuse, tradi et finalement très tendance, où les grenouilles persillées, la quenelle de brochet à la Nantua, le poulet au vin jaune et morilles ou la mousse au chocolat composent une musique séductrice. Et on comprend que le lieu, rénové avec tant de malice qu’on croit qu’il n’a pas été retouché, est d’une séduction totale. Réservez ! Le téléphone : 01 42 33 48 24.
Alain Pegouret au Sergent Recruteur
Il prend des risques. Après dix huit ans chez Laurent, Alain Pégouret reprend le Sergent Recruteur dans l’île Saint-Louis, une maison maudite, un temps glorieuse avec, aux fourneaux, Antonin Bonnet, puis vite engloutie dans la faillite de la Jeune Rue, le tout dans une rue difficile, la rue Saint-Louis-en-l’île (Antoine Westermann, qui y tint Mon vieil ami, l’a depuis revendu au groupe laitier Senoble qui depuis l’a transformé en glacier), de plus ingarable. Bref, le Cannois de 52 ans, qui travailla jadis aux côtés de Christian Constant au Violon d’Ingres, puis succéda à Philippe Braun dans la grande maison des Champs-Elysées alors conseillée par Joël Robuchon, va tenter de prouver que son seul talent peut braver tous les obstacles. A coeur vaillant, rien d’impossible. Ouverture officielle : le 24 mai.
Christellle Brua à l’Elysée
Elle quitte le Pré Catelan, part pour l’Elysée, remplace le chef pâtissier en titre, Fabien Cocheteux, qui lui, venu du Négresco, repart dans le privé. Christelle Brua, lorraine de Sarrebourg, dont les parents tenaient l’Auberge de Grand Soldat près d’Abreschviller, formée au Soldat de l’An II à Phalsbourg puis à l’Arnsbourg à Baerenthal, avait obtenu les trois étoiles avec son compatriote lorrain de Nancy, Frédéric Anton, au Pré Catelan. Elle lui a adressé cette semaine, sur sa page instagram, un joli mot d’au-revoir et non d’adieu : « Frédéric tu n as pas été seulement mon chef pendant ces 16 ans au Pré Catelan , mais mon mentor , ma moitié , mon complice , mon meilleur ami et celui sur qui j ai toujours pu compter . Si aujourd’hui je suis à ce niveau c’est que tu m’as transmis jour après jour ton savoir faire et ton goût pour l’excellence » Elle est la première femme à un poste d’importance en cuisine à l’Elysée.
Stéphane Méjanès le La Bruyère de la chronique
C’est un petit livre franc et tonique, vertueux et ludique, vigoureux et bien écrit, où sont passés à la moulinette et par le menu les vertus et les travers de la critique gastronomique: cela s’appelle « Tailler une plume », cela ne fait que 84 pages, ne coûte que 12 € et paraît le 17 mai prochain aux éditions de l’Epure. Venu du journalisme sportif, gourmand comme un chat, rusé comme un renard, Stéphane Méjanès y croque ses confrères avec talent. Il ne cite pas de noms, hormis sa page de remerciements. Mais chacun pourra se reconnaître – ou son voisin – dans l’un ou l’autre de ses dix chapitres qui reprennent la thématique des « Caractères » de La Bruyère et jouent le portrait comique, vif, satirique, intemporel. A travers la diva, le stakhanoviste, le pique-assiette, l’incognito, l’influenceur, le glouton, le blasé, le tyran (un monument de drôlerie!), l’antique ou encore l’ingénu, on reconnaîtra quelques uns des traits marquants de Philippe C., de François S., d’Emmanuel R., de Perico L., de François-Régis G., de Jean-Claude R., de Thibaut D., d’Estérelle P. de Raphaëlle M. et, bien sûr, de … Gilles P. Bref, voilà un volume de choix qui va faire jaser à bon escient le Landerneau gourmand, pour peu qu’on en déniche les clés…
Mathias Dandine quitte Aix-en-Provence
Il était le plus provençal des chefs de la région PACA, nous ravissant avec sa bouillabaisse du pauvre, dite la « borgne » avec jus de poissons et oeuf poché. Voilà Mathias Dandine qui quitte Aix. Après avoir dirigé les cuisines du Saint-Estève, la table étoilée de l’Hôtel des Lodges au Tholonet, au pied de la Sainte-Victoire chère à Cézanne, Dandine, qu’on connut à Bormes les Mimosas à son compte, mais aussi au Lavandou aux Roches, s’installe prochainement à son compte dans les Bouches-du-Rhône. C’est Julien Le Goff, chef du Mas du Langoustier à Porquerolles qui lui succède, mais selon une formule différente, la famille propriétaire de l’établissement où il officiait ayant décidé de simplifier son offre de restauration.