Tantris
« Munich : le roi Haas »
La vedette discrète et non dite de Munich la gourmande ? Un Tyrolien timide, natif de Wildschönau près de Kufstein (la ville du cristallier Riedel), au physique sportif, quasi inconnu hors chez lui : Hans Haas, présent au Tantris, depuis plus d’un quart de siècle, dans un étonnant bâtiment en béton avec sa déco rouge datant des années 70 à l’orée du quartier de Schwabing. Avant lui, Eckart Witzigman, célèbre ensuite à l’Aubergine, devenu une sorte de sage et de mage éclairé d’Allemagne, puis Heinz Winkler, désormais en sa Residenz d’Aschau, avaient donné le ton au lieu, orné alors de trois macarons.
On se dit que la demeure, qui n’en a plus que deux, mériterait sans mal la récompense suprême (ils ne sont onze en Allemagne avec, dernier en date, son voisin de l’Atelier munichois Jan Hartwig). Non seulement pour le grand service, mené par le francophone Boris Häbel, les vins choisis par un sommelier fort disert, Mathieu Ermelstein, mais pour la cuisine créative, avec ses idées d’ici et d’ailleurs, du grand Hans.
Ses ciabatta et sardine au basilic, soupe d’artichaut aux truffes avec glace au foie gras et fenouil, thon mariné aux gambas et yuzu avec betteraves et raifort, truite à la purée de petits pois et crème d’anguille fumée ou encore caviar, purée de poireaux et beurre noisette et lotte entière, chou fleur et jus de chorizo valent l’applaudissement pour leur précision et leur légèreté grandes. On ajoute le ravioli de canard et foie gras poêlé et encore la côte d’agneau et cœur d’artichaut en se disant que cette cuisine là, franco-française, revue avec l’esprit de la Mitteleuropa et de l’Italie mêlées fuyant le chichi comme l’ennemi se place au plus haut niveau.
Les vins, comme le riesling de Künstler fans le Rheingau, le pinot gris Qvinterra de Kühling-Gillot en Rhein-Hesse, le spätburgunder de Bernard Huber à Malterdingen dans le Kaiserstuhl badois, le cabernet franc d’Oliver Zeter dans le Palatinat et le lemberger de la Weingut Heinrich à Heibronn font faire un tour enchanté au verre de l’Allemagne des vins. On ajoute quelques perles françaises, comme la rare coulée de Serrant de Nicolas Joly, l’un des grands crus de Loire, et son annexe duclos de la Bergerie. Assez pour comprendre où se classe cette maison hors norme.
On achève sur un admirable soufflé au pavot avec glace rhubarbe et passion, très germanique dans l’esprit, qu’épouse avec élégance le riesling vendanges tardives de Maximin Grünhauser en Mosel-Saar-Ruwer, en se disant que cette grande maison, en forme de temple gourmand années 1970 dans les tons rouges, ne manque pas de ressources séduisantes. On reviendra chez Tantris !