Mes voisins, les Caillebotte

Article du 13 avril 2011

Le Musée Jacquemart-André côté cour © GP

C’est l’exposition du moment à ne pas rater à Paris et jusqu’en juillet. Le double regard que jettent les frères Caillebotte, Gustave, l’aîné, le peintre (1848-1894), Martial, le cadet, le photographe (1853-1910) nous trouble aujourd’hui, nous bouleverse car il rend compte avec minutie de l’évolution du siècle. Les messieurs portent le gibus, mais ils lorgnent le chemin de fer de la Gare Saint-Lazare, font du bateau à Argenteuil, choisissent de scruter Paris depuis un balcon comme un refuge. Refuge du passé qui se défie du présent? Ou en frissonne…

Un balcon, boulevard Haussmann © GP

Grâce à la fortune de leur père fournisseur de lits et de draps pour l’armée, les frères Caillebotte étaient rentiers, peignaient et photographiaient pour le plaisir. Gustave veut aussi un immense collectionneur d’impressionnistes, faisant don de sa collection à l’Etat. Mais donner des Degas, des Manet, des Sisley, des Pissarro, des Renoir en 1894 pouvait faire objet de scandale. Ou de pionnier avant-gardiste.

On connaît Gustave pour son « Rue de Paris, temps de pluie », ses abords du quartier de l’Europe, au carrefour, croisement de six artères comme enchevêtrées en mosaïque, des rues de St Pétersbourg, de Bucarest et de Moscou. Si vous m’avez bien lu (cf. mon post du 7 octobre dernier), vous devinez que là se trouve mon quartier, entre 8e et 9e, dans ce quartier de l’Europe définit par ses rues qui empruntent aux grandes villes de partout (Liège, Turin, Madrid, Lisbonne). Et qu’il s’apprête, vu par les Caillebotte, à basculer de la fin XIXe siècle au vingtième. Bientôt, on ne portera plus de gibus ni de crinoline sinon au carnaval. Mais la physionomie de la ville, elle, a été tracée – ses contours, ses formes, sa silhouettes – presque d’un trait par l’inévitable baron Haussmann.

Le Pont de l’Europe © GP

C’est de cela, de ce changement prévisible, de cette sensibilité affleurante entre lignes et courbes, que nous parlent les grandes toiles de Gustave, les photos noir et blanc, précises, presque trop petites en regard (mais le livre de l’exposition qui les reproduisent en « grand » rattrape un peu les choses et leur rendent justice) de Martial. Un regard double et vif à saisir vite. Mais je galèje.Vous avez bien le temps. Cela vient de débuter et cela dure jusque de mi-juillet. Et le magnifique musée Jacquemart-André, avec ses toiles Renaissance italienne, ses Botticelli, ses Mantegna, mais aussi ses Fragonard et ses Van Dyck ou ses Rembrandt, ses fresques de Tiepolo, son grand escalier, ses appartements somptueux à visiter en plus de l’expo Caillebotte, ouvre tous les jours. Qu’on se le dise!

Le patio intérieur du musée © GP

Dans l’intimité des frères Caillebotte, exposition jusqu’au 11 juillet au Musée Jacquemart-André, 158, bd Haussmann, Paris 8e. Tél. 01 45 62 11 59. Tljrs. 10-18 (lundi: 21h30).  M°: St Philippe du Roule, Miromesnil.
Site : www.musee-jacquemart-andre.com

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Publié le 13 avril 2011 par

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