Anne-Sophie Pic au Beau-Rivage Palace

Paolo Boscaro avec Romain Hémont et Thibaut Panas © GP

Bon, chic, sobre, élégant, régulier, précis, raffiné: c’est le restaurant signé Anne-Sophie Pic au sein du Beau Rivage Palace lausannois. Un Pic à l’heure suisse ? Certes, millimétré comme du papier à musique, réglé comme une horloge comtoise, avec son service au plus que parfait et sa cuisine désormais sous la houlette du jeune Paolo Boscaro qu’on vit il y a peu à l’Escargot 1903 de Puteaux. Le lieu attire, avec les rives du Léman en ligne de mire, le design épuré du british Stewart Wilson. Le personnel de salle, français à 90 %, est dirigé par le fidèle Romain Hémony. Les vins, de Suisse et d’ailleurs, sont commentés avec malice et pertinence, par le fort compétent Thibaut Panas.

Amuse-bouche © GP

Daurade, caviar d’Aquitaine, poivre de Tasmanie, betterave, glace crème double © GP

Bref, on se dit que si cette demeure gratifiée de deux étoiles au Michelin recevait l’obole d’une 3e, ce ne serait là que justice. D’autant que les assiettes au petit point sont bien dignes de ce qui est servi à Valence sous le label de le grande ASP. La cuillère de caviar Sturia à l’orge malté en liminaire, les petits amuse-bouche dont le très probant petit « vrai/faux » citron qui coule en bouche comme un élixir de jouvence : voilà des prémices de ce qui vous attend. Du bon, du très bon, de l’excellent, sans falbalas inutile,  mais avec des produits de toute première qualité portée au faîte de leur éclat.

Berlingots au coeur coulant © GP

Ecrevisses rôties au beurre de crustacés, céleri boule, consommé infusé au café © GP

Ainsi, la très fraîche daurade royale au caviar d’Aquitaine mariné au saké, poivre de Tasmanie, betterave plurielle et sa glace à la crème double de la Gruyère ou encore les extraordinaires berlingots au cœur coulant comme une fondue, consommé cristallin aux champignons, thé pu’erh millésimé, qui constituent le met signature le plus probant de cette demeure qui joue le rustico-raffiné à la puissance X. Ensuite? Un festival locavore avec les jolies et fines écrevisses du lac Léman rôties au beurre de crustacés, déclinaison de céleri boule, consommé infusé au café Bourbon de la Réunion.

Bar au caviar © GP

Pigeonneau de la Drôme et algues Wakamé © GP

On n’oublie pas le fameux bar au caviar hommage au papa Jacques Pic qui promulgua le genre « riche mais savant » dans les années 1970 sur son bord de N7. On adresse ensuite une coup de chapeau (bas) au formidable numéro sur le thème du pigeonneau – de la Drôme –  japonisant, cuit sur le coffre, avec tsukudani à l’agastache citronnée, mousseline de pomme de terre à l’algue wakamé. Du grand art, fin et léger, sur le mode carnassier. Mais le pithiviers de colvert mariné à l’amaretto et fumé au café, avec sa déclinaison de radis, est également une fort belle chose.

Tourte de colvert © GP

Chaource glacé et truffe blanche © GP

Là dessus, le très racé chardonnay de Villette de chez Cyril Séverin à Lutry et la somptueuse syrah de Simon Maye, l’artiste du genre en Valais, avec ses bouleversants arômes de violette, sa franche longueur, font des escortes de haute tenue. Les fromages d’un plateau immense ne déçoivent pas. Et la Virginie de Valandraud, servie au verre, font un accompagnement malicieux. On peut aussi taquiner une pâte au lait cru cuisinée, comme ce chaource glacé à la truffe blanche.

Service du fromage © GP

Les desserts, comme le reste, « déçoivent en bien« , comme on dit dans le canton de Vaud. Ainsi le vacherin au sapin et genièvre ou encore l’admirable millefeuille blanc à la crème vanille de Tahiti, sa fine gelée au jasmin, son  émulsion au poivre voatsiperifery.  De l’or en  barre, que souligne un riesling vendange tardives de Moselle (en Allemagne) de chez Carl Loewen à Ritsch. Quelques mignardises et on lève le ban. Voilà une grande table franco-helvète à saluer comme il se doit.

Vacherin genièvre sapin © GP

Millefeuille blanc © GP