Armen

Armen: en breton, c’est la pierre ou le rocher. Est ce un trait qui caractérise les gens d’ici? Prenez Yvon Morvan, qui travaille au coeur de Brest à cet ancien. S’il fallait expliquer que Bretagne et Alsace sont proches… malgré l’éloignement, il en serait le meilleur exemple. J’ai connu et … compris ce jeune homme sérieux et rigoureux alors qu’il était l’adjoint de Gérard Eckert à la Cour d’Alsace d’Obernai.

On sait là que les Bretons sont les Alsaciens de l’Ouest – et vice-versa -, qu’ils ont le  le sens du travail et de la rigueur chevillé au cœur. Yvon, quadra tranquille a déjà un quart de siècle de labeur derrière lui. Ce natif du Finistère, formé jadis à Landernau, passé chez les grands (Bocuse à Lyon, Robuchon et Duquesnoy à Paris), a obtenu une étoile après un an d’ouverture de sa table. 17 ans que Brest n’avait plus d’étoile!

Tout ce que propose ce propose ce technicien tranquille, dans sa demeure paisible, à deux pas de la passante rue de Siam, plantée, dans un ancien salon de thé, sur un square verdoyant et tranquille, possède nerf et caractère. Les produits viennent, des côtes voisines, celle des Abers, comme des jardins proches. Le beurre de sa copine Solenn Milin, de la Ferme de Kéroudy à Milizac, est au lait cru, demi-sel ou aux algues. Les fromages sont affinés par son complice Sten Marc, qui écume les marchés de la région, du Conquet (le mardi) à Dalouas (le dimanche).

Bref, Yvon Morvan est un militant breton bretonnant de son terroir, de ses recettes, de ses rêves. La cuisine, chez lui, n’est pas une chimère, ni une lubie chimique. Il pourrait reprendre l’adage de Bernard Loiseau selon lequel « la star, aujourd’hui, ce n’est pas le chef, mais le produit ». De fait, tout ce qu’il sert, sur le mode de la tradition redéfinie, allégée, soigneusement mise au goût du jour, est estampillé du sceau du bon sens.

Des exemples de son talent ? Un bouleversant gâteau de céleri à la truffe qu’escortent des saint-Jacques de la baie au jus corsé, relevé au poivre de Sichuan. Ou une fringante marinière de coquillages au bouillon épicé, avec sa  séduisante et fine galette de panais et noisettes plus des tagliatelles de légumes du jardin. Mais il ne faut pas louper son bel exercice de style sur le thème des ormeaux de l’île Vierge, au cœur du pays des Abers, simplement saisis au beurre de dulse (une algue d’ici) avec sa demi-sphère de chou parfumée à la truffe. Superbe !

Le morceau de bravoure de la maison : un tronçon de turbot cuit bien ferme, accompagné d’asperges en crumble et d’une hollandaise aérienne. A fondre, tout simplement. Il y a aussi le dos de lieu au parfum floral avec ses cannelloni de tourteau et le feuilleté de pigeon farci de chou frisé, lard et foie gras : recréation légère d’un classique bourgeois. Plus des desserts « nouveau style », comme le tiramisu au pain d’épices avec sa crème café aux éclats de noisettes. Bref, on est jamais au bout de ses surprises avec Morvan, enchanteur breton, ciseleur de charme, technicien de grand style.