African Queen
« Vissian, mon Africain de Beaulieu »
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Gilbert Vissian @ Maurice Rougemont
C’est mon Africain préféré: un restaurateur au physique de baroudeur, qu’on imagine sur l’Okawango en train de proposer ses moules, ses frites, ses steaks d’élan ou d’antilope ou et sa soupe du jour. Sa table ouverte se trouve à Beaulieu sur Mer, à quelques pas de Villefranche et de la plus belle rade du monde
Nous sommes là sur ce bout de Riviera dorée, entre Nice et Menton, qui n’a guère changé depuis les années 1950, alors que Cocteau, Déon venaient au soleil de St Jean Cap Ferrat se baigner sur la proche plage de Passable. Ce que le meilleur public de la côte vient chercher là, tandis qu’aux abords se trouvent quelques unes des tables les plus raffinées du moment ? Une simplicité royale, un service de charme, une chaleur conviviale, une ambiance rieuse.
Il y a là une terrasse au soleil, sur un port qui n’en est pas avare. La décoration est simple avec sa salle de pub années 1980, sa bâche en toile blanche sans apprêt, sa carte sympa, quoique sans relief outrancier. Gilbert Vissian anime le lieu depuis un quart de siècle, ouvre à l’année, tous les jours, midi et soir, accueille avec gentillesse les grands de ce monde comme le client lambda, sourit à chacun, glisse un bon mot juste quand il faut. Le petit « plus » qui fait la différence ? Les produits vertueux, les préparations simples, mais bonnes, la vérité des choses savoureuses, bref, tout ce qu’on aime sans avoir besoin de le demander. Ainsi la fameuse pizza fine au fromage et truffes d’été, les petites courgettes rondes farcies, la « vraie » salade niçoise, avec thon émincé et haricots verts croquants, les raviolis au pistou, les tagliatelles à la napolitaine, les poissons frais (loup, daurade royale ou sole meunière), au gré de la pêche du jour.
Salade niçoise © Maurice Rougemont
Les bateaux sont, d’ailleurs, juste en face. Et le nom énigmatique de la demeure est un hommage au film de John Huston qu’incarnèrent Humphrey Bogart et Lauren Bacall, naviguant sur un bateau nommé « African Queen ». En guise de croisière gourmande, on propose là des aventures, sages, simples et justes. Ainsi, le fritto misto de poissons du jour, avec solette, calamars, concassée de tomates épices, sauce au curry ou les saint-jacques panées au sésame et flanquée d’une purée de pommes de terre relevée d’oignons doux et confits.
Les viandes de choix y font aussi l’objet d’une sélection sans façon : médaillon de veau bardé au lard de Colonata, T’Bone de bœuf Simmenthal de Bavière sauce Choron ou souris d’agneau compotée dans son jus ; Robert se glisse d’une table à l’autre, sert un verre de rosé château de Selle signé Ott ou un grand médoc en magnum tarifé à prix d’ami.
Un ange passe. La nuit tombera sur le port de Beaulieu-sur-Mer. Au loin, les lumières s’allumeront sur la pointe du Cap Ferrat. On goûtera encore une « bêtise » qui a nom pêche Melba ou café liégeois, en se laissant aller à la douceur de l’air. Ce n’est rien d’autre qu’une auberge dont on rêverait dans chaque port de France. C’est l’exemple d’une maison heureuse.
