Les Polaroïds d’Eric Neuhoff
Un petit cousin de Modiano (« Villa les Sables »), qui égrène ses mystérieuses nostalgies avec une tendresse fugueuse, un fan de cinéma qui connaît ses stars par coeur, sait que Jean Seberg, toujours vivante, tient un bar en Catalogne et que Dewaere est toujours là, alors que c’est son copain des « Valseuses », l’imprévisible Gégé, qui a mis fin à ses jours, un amoureux de Sautet qui conte avec douceur des histoires tristes de couples qui se défont dans le silence et l’ennui, un disciple de Chardonne (« Ivres à Madère ») qui se perd au Reid’s avec Tillinac et demande à Déon le code de bonne conduite, un amoureux de Salinger qui lui fait rencontrer Jackie Kennedy à Hyannis Port : tous ces Neuhoff-là ne font qu’un. Il y en a même quelques autres dans ces dix sept nouvelles rassemblées composant un recueil tonique, vif, daté, de 1979 à 2017, de Cannes à la Costa Brava, en aller-retour, via la Toscane, Saint-Tropez, l’Irlande, la Sicile. Ce sont, le titre le dit, des cartes postales, des polaroïds, de faux souvenirs (comme l’exquis « Retour à Toulouse »), que le fan club de Neuhoff connaît bien. Un univers très parisien, où, en province, le Monde n’arrive que le lendemain. L’auteur d’un « Bien fou » a semé ses nouvelles ici et là comme des pépites, qu’on a lues, mais vraiment oubliées. Ce sont donc des pages précieusement retrouvées pour composer un premier recueil tactile, docile, complice, bien vu. Dites, vous reprendrez bien un peu de Neuhoff?
Les Polaroïds d’Eric Neuhoff (Editions du Rocher, 176 pages, 16 €).
J’aime beaucoup les papiers de Neuhoff dans le Figaro et ses prestations souvent drôles au Masque sur France Inter. Il fait entendre une petite musique décalée dans cette époque abrutissante.