Le Moulin à Vent
« Le bonheur de Port Racine »
C’est une auberge du bout du monde qu’on découvre à la pointe extrême du Cotentin, côté Ouest, là où la Hague pique du nez vers l’Océan. Le village de St Germain de Vaux se devine sur la cote dentelée, le minuscule Port Racine est à deux pas et sert de bourg relais, avec sa jolie halte hôtelière de l’Eguillière. On a le bonheur d’être là , tout seuls. L’auberge est théoriquement fermée, mais – ô injustice suprême si délicieuse !-on a ouvert juste pour nous.
Nous sommes là , avec les Decoin, Chantal et Didier, venus en voisins de Goury, chez les Fernandes qui ont repris un vieux relais du temps jadis, avec sa devanture croquignolette, son cadre tout bois, ses vitres ouvertes sur le dehors, entre verdure et mer, le comptoir pour l’apéro et le jardin pour la digestion paisible Audrey accueille avec grâce et joliesse, tandis qu’Antoine cuisine en fraîcheur. Ces Parisiens ralliés, comme le voisin écrivain Didier (dont il faut absolument relire « Avec Vue sur Mer » chez Nil), ont choisi le bonheur entre champs et océan, dans ce Finistère, qui, comme le disait Prévert, qui repose, désormais, pour l’éternité au voisin cimetière d’Omonville-la-Petite, est « le plus proche de Paris ».
Audrey et Antoine ont travaillé à St Barth et à New Port (Rhode Island), à Paris, au Crillon, où elle fut gouvernante, ou chez les Costes (il fut chef de partie au Georges). Ils ont changé de vie, changé de style, inauguré une sorte de communion/fusion avec la belle nature d’ici, les jolis produits de saison, les fromages, le beurre, le pain de la région. Les petits ormeaux d’élevage, le foie gras de canard, qu’Antoine propose fumé aux épices, les saint-jacques en kadaïf, la langoustine tranchée à demi : voilà quelques uns de ses tours de magie.
S’il s’amuse parfois au moléculaire, prompt à suggérer une cuisine d’emballage (il a rédigé un ouvrage dit « la cuisine s’emballe », chez Dormonval, proposant les variétés de bricks, papillotes, ravioles ou aumonières), Antoine prône chez lui le naturel avec science et la simplicité rayonnante comme un bel art. On adore son bar aux légumes croquants en filaments servis dans un panier vapeur, comme le juteux pigeonneau du moment dans son jus à la royale. Ses produits sont proposés au mieux de leur fraîcheur et de leur vérité et ses sauces sont légères comme l’air.
D’ailleurs, après un menu dégustation qu’escortent un muscadet de la Pinsonnière, un riesling d’Hugel ou un B de Bellecier, côtes de Castillon, tarifés à prix d’ange, on sort de chez lui l’estomac apaisé mais non alourdi. D’autant que ses desserts (comme le délicat sablé à la crème pâtissière et au litchi) jouent sur le même mode de la franchise et de la fraîcheur sans faille. Venez voir de près cet exquis Moulin à Vent. Il y a là du bonheur dans l’air.