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« Mietesheim : raifort, moutarde et condiments »

Article du 25 août 2018

Alain Trautmann © GP

Cette plante magique qu’on utilisait jadis pour traiter le scorbut, les rhumatismes et la goutte, mais aussi les maladies des reins, les empoisonnements, la jaunisse, l’eczéma et même pour combattre les poux, on vous en a déjà parlé. On la compare à un gros radis. Sa saveur est acre, piquante, brûlante. Lorsqu’on s’en approche, à mi-cuisson, près de la cuve où elle est repose, elle provoque le larmoiement. Son nom exprime bien sa force. Plantée aux premiers jours de printemps, elle se récolte fin septembre, début octobre. Ses conservateurs en Alsace? Ce furent d’abord Georges et Lisel Urban, frères et soeurs, qui transformèrent la ferme familiale en mini usine. Georges, au tout début des années 50, se demandait pourquoi le raifort était fabriqué en Allemagne, puis expédié chez nous en grandes quantités, alors qu’il pouvait y être planté et transformé. Il agrandit la demeure de sa famille, crée un labo moderne, se dote de cuves en inox, plante le raifort dans le riche pays de Hanau et crée Raifalsa.

Alain Trautmann et le raifort © GP

La fabrication, elle-même, requiert beaucoup de soin. Les racines de raifort sont stockées en chambre froide, ébarbées, épluchées à la machine, puis à la main, avant d’être râpées au cutter de charcutier, puis écrasées à la meule. Le raifort de consommation ainsi obtenu est proposé nature, simplement râpé, en seau de deux kilos, mais aussi mélangé à la mayonnaise, en sauce rémoulade, avec huile végétale, moutarde et jaune d’oeuf, il accompagne, en les relevant, viande de pot-au-feu, côte de boeuf, truite, saumon ou tout autre poisson fumé, purée de pommes de terre ou sauce blanche: il est le condiment parfait des plats conviviaux de la belle Alsace.

A une table de « winstub » – les débits de vin d’ici -, en « chantilly au raifort », en compagnon d’un saumon mariné sur une grande table, il est l’allié idéal de la table alsacienne. Comme il est de tradition dans la cuisine juive d’Europe de l’est. Le raifort est ainsi le condiment-ami du « pickelfleisch », cette poitrine de boeuf saumurée que l’on trouve aussi bien en Pologne sur les tables des familles juives d’Alsace. En 1995, les Urban, atteints par la limite d’âge, vendent leur maison à Rémy Lienhardt, ancien courtier en publicité des DNA, qui ne la garde que deux ans et la cède ensuite aux Trautmann, Etienne le père et son fils aîné Denis, avant qu’Alain ne la développe, rachetant une entreprise de moutarde douce (Alélor), délocalisant l’entreprise … dans la même commune au 4 rue de la Gare.

Une pub pour le raifort © GP

Il développe le raifort, travaillant avec une coopérative rassemblant vingt producteurs des environs de Mietesheim (Alsaraifort), produisant, expliquant, en jonglant avec ses belles racines blanches que le raifort peut être « tendance » et devenir le « raifort français », qu’il est « plus naturel, plus authentique ». Ce faisant, il s’intéresse aussi à la moutarde, mitonnée avec ses graines de sénevé (brune pour la force, jaune la douceur), broyée à la meule, mélangée longuement à l’eau et au vinaigre, qui devient ainsi une crème douce et onctueuse. Il la propose au riesling, à la bière, au raifort, à l’ail des ours, au pain d’épices, mais aussi au piment d’Espelette, avec un clin d’œil au pays basque, particulariste comme l’Alsace, violette au moût de raisin, comme à Brive, ou encore au wasabi, aux figues, à l’estragon, à la mirabelle, au curry et à la tomate et basilic.

Il crée une marque haut de gamme (Terres Rouges), qui produit des vinaigres à la pulpe de fruits, des balsamiques IGP Modène rivalisant acec les grandes marques italiennes. Une gajeure ? A coeur vaillant rien d’impossible. Mais les condiments du grand Est restent sa spécialité : cornichons aigre doux, avec leur bel équilibre sucre/alcool, betteraves rouges découpées en tranches, sans oublier des pesto, ail des ours, kecthup qui indique que Mietesheim devient avec Alélor la capitale des condiments tout court. On y vend aussi le melfor des Higy, ce « faux vinaigre » si alsacien qui est en soin le symbole d’une région de ses particularismes.

Vieille pub pour les produits Stumpf-Alélor ©  GP

Alélor

4 rue de la Gare
67580 Mietesheim
Tél. 03 88 90 31 85
Site: www.alelor.fr

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Publié le 25 août 2018 par

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