La Table d'Olivier Nasti au Chambard
« Kaysersberg : la folie Nasti »
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Olivier Nasti ? On le suit depuis l’origine si l’on peut dire: sa reprise jadis du Caveau d’Eguisheim, où ce jeune ancien de Roellinger et d’Haeberlin, natif de Belfort, rallié à l’Alsace, piétinait inexplicablement au pied de l’étoile. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, la gloire est arrivée, avec le titre envié de MOF et le col bleu blanc rouge, plus les deux étoiles au Chambard, bel hôtel moderne désormais, estampillé Relais & Châteaux, au cœur de la divine Kayserberg, l’un des bourgs les plus emblématiques d’Alsace, le cours bouillonnement de la Weiss, le grès des murs roses, le colombages des demeures soignées, les rues pavées.
La révolution est arrivée cette année avec un nouveau cadre et un nouvel esprit. Plus régional, plus chaleureux, plus vosgien, plus alsacien, moins technicien, moins gadget et sans esbroufe: c’est la nouvelle table d’Olivier Nasti. Comme si Olivier avait profité du départ de son frère Emmanuel, architecte et désormais caviste près de Mulhouse, pour bouleverser radicalement l’ancien décor de son restaurant – jadis vert et or, avec des tables sans nappes – en en changeant le nom – c’était jadis 64 °, façon laboratoire -, histoire de se réapproprier le lieu.
Place donc à « la Table d’Olivier Nasti », avec un cadre qui met le bois en valeur, de la sobriété, de l’élégance, sans outrance, du régionalisme sans folklore, avec des guéridons qui évoquent des cigognes et des plats qui disent leurs racines. Ainsi ces amuse bouche en rafale qui évoque clairement les traditions d’ici, ces cromesquis d’escargots persillés, cette tarte flambée revue mousseuses avec sa pâte à pain en lamelles craquantes, cette pomme soufflée au « bibeleskäse » (le fromage blanc alsacien), ou celle à l’anguille fumée , sans omettre la bille de foie gras au pain d’épices. Les « classiques » maison ne sont pas oubliées, comme l’anguille au vert, fumée, légèrement caramélisée, laquée aux agrumes, ou le foie gras râpé en neige, avec parmesan et vinaigre balsamique.
Il y aussi ces mets aériens nouvelle vague, bar ikéjimé en carpaccio au foin brûlé et yaourt fermier, fleur de courgette, moelleux de langoustine à l’huile de sureau, cette mini tartelette laitue et lard qui flanque l’incroyable mariage des petits pois Lincoln à la française et du caviar impérial Petrossian. Pour jouer la pause et le régional, le consommé au safran d’Alsace et rhubarbe joue le « trou » régional de grande classe. Il y a encore le morceau de gros turbot sauvage, avec ses cuisses de grenouilles au riesling et l’omble de chevalier aux écrevisses, escargots de la Weiss et œufs de truite qui « alsacianisent » poissons côté mer et eau douce de fort jolies façon.
L’épisode de la cocotte de petits légumes, avec son risotto d’épeautre aux herbes et pousses de légumes, comme cette fine tarte flambée aux légumes indiquent que le végétal est aussi à sa place ici. Mais Olivier Nasti, carnassier et chasseur, est également probant côté viandes, avec les noisettes de chevreuil de printemps, avec ses girolles aux bourgeons de sapin, pousses d’épinard et oxalis, accompagnée de ses Käseknepfle (les quenelles de fromage blanc) ou encore la tranche dans le suprême de poulet de Bresse de Miéral flanquée d’une divine purée de pommes de terre relevée de pommes rattes.
Le grand chariot de fromages a du style, faisant la part belle aux pâtes vosgiennes. Les vins du sommelier Jean-Baptiste Klein font honneur à la région dans ses grandes largeurs, comme avec le muscat Kirchberg de Kuentz-Bas, le pinot gris Hohberg d’Emile Beyer à Eguisheim, le riesling Wibelsberg d’André Durrmann à Andlau ou le pinot noir de Laurent Barth. On ajoute des desserts vifs, gourmands, digestes, comme cette superbe glace rhubarbe avec décoction de fraise, cette variation sur la fraise gariguette au lait fermenté ou cette déclinaison de rhubarbe et blanc-manger, avec la ronde des délices de fin de repas dont un fondant coulant au chocolat servi en cocotte jouant la « tuerie » finale.
Assurément, entre profusion et précision, régionalisme et modernité, la manière Nasti séduit. Le service élégant, jeune et précis y contribue et les menus font de belles invites. La 3e étoile n’est guère loin…
Bonjour,
Il semblerait que ce soit le Pinot Gris Lieu-dit Hohrain d’Emile Beyer à Eguisheim et non le PG Hohberg.
Bien à vous,
Maxime