L’amour fou à Paris
Art et passion, huit couples légendaires: le sous-titre dit tout ou presque. Mora Maaar et Picasso, Anaïs Nin et Henry Miller, Jean Cocteau et Jean Marais (l’auteur, Dominique, qui est la petite nièce de Cocteau écrit avec justesse, à la pointe sèche, juste, sans effusion, avec une plume précise et sensible), mais encore Aragon et Elsa Triolet, Man Ray et Kiki de Montparnasse, plus Modigliani et Jeanne Hébuterne et, bien sûr, Nusch et Paul Eluard, le chapitre sans doute le plus émouvant de l’ouvrage, sinon le moins connu, du moins le moins rabâché. C’est superbement informé, magnifiquement illustré, fort joliment raconté. Et cela se lit comme un livre d’heures, forcément complices. Avec de bien beaux textes en contre-point, comme celui-ci:
« Notre vie tu l’as faite elle est ensevelie
Aurore d’une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l’équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d’aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence » (Eluard, le Temps Déborde)
et mon petit cadeau – en prime – d’amoureux de la poésie d’Eluard, pour les lecteurs de ce blog, car ces vers capitaux ne figurent pas dans le livre…
« Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six
Nous ne vieillirons pas ensemble.
Voici le jour
En trop : le temps déborde.
Mon amour si léger prend le poids d’un supplice. »
Voilà – c’est sa qualité majeure – un beau livre qui donne envie de relire…
L’amour fou à Paris 1920-1940 de Dominique Marny (Omnibus 35 €, 212 pages)