Lorenz Adlon Esszimmer à l'Adlon Kempinski

La salle © GP

Voilà l’une des grandes tables du monde, qui donne, non comme le dit le guide de la dite association, « sur le Brandebourg« , mais bien sur la porte du même nom. La table n’ouvre que le soir, se situe au premier étage de l’admirable palace de la ville ressuscité depuis quelque vingt ans. Le lieu a du chic avec ses deux belles salles, dont l’une façon bibliothèque. Le service est au petit point, la carte des vins immense.

Langoustine confite, infusion de de crustacé, fenouil, céleri, caviar de pastis © GP

Aux commandes des fourneaux, le chef Hendrik Otto, qui a travaillé dans quelques unes des grandes maisons d’Allemagne, dont la célèbre Schwarzwaldstube de Traube Tonbach, époque Wohlfhart. C’est dire que la maison qui a deux étoiles en vise trois et le répertoire maison, marqué du sceau du grand classicisme, savent évoluer avec malice. Les amuse-bouche font, certes, un peu pâtissiers, ce qui est souvent le cas dans les grandes maisons allemandes. Le personnel de salle est volontiers théâtral (il est vrai que l’Opéra Comique local n’est guère loin).

Flétan mariné au citron et clou de girofle, pomme verte, céleri et basilic © GP

Reste que tout ce qui se trame là est frappé du sceau de la qualité, de la fraîcheur, de la netteté et de la légèreté, avec, en plus, le souci de coller aux réalités du terroir allemand dans ses grandes largeurs. Des exemples de ce qu’on trouvera là, au gré de menus malicieusement équilibrés, avec des petites portions légères, esthétisantes, certes, mais fuyant l’esbroufe: flétan mariné au citron et clou de girofle, pomme verte, céleri et basilic,  maquereau, champignons, caviar de truite, feuille de citron, crème de foie d’oie, figues marinées, ananas, sucre muscovado, café, piment ou langoustine confite, infusion de de crustacé, fenouil, céleri, caviar de pastis: du travail d’orfèvre sur des assiettes ciselées.

Selle de lapereau, tarte à l’oignon,légumes de printemps, poivre, crème de morilles © GP

Un coup de chapeau pour ce plat trois étoiles qu’est la selle de lapereau cuite rosée, flanquée de sa tarte à l’oignon, de légumes de printemps, poivre, crème de morilles, qui revoit avec justesse, finesse, intelligence, une viande souvent galvaudée dans la restauration de qualité. Un grand bravo encore pour l’incroyable « menton » de porc, à la fois si tendre et confit, avec riz sauvage et oignons de Roscoff, de belle allure, de grand goût et de royale finesse, plus son accompagnement malin de pousses d’épinards, yuzu, jus de poire vinaigré.

Menton de porc, riz sauvage et oignons de Roscoff © GP

On n’oublie pas le bel exercice sur le thème du pigeon au brocoli sauvage, relevé de cannelle, ail noir, macis, quinoa et airelles: joli et juteux! On épilogue sur les splendides desserts maison, qui ont toujours figurés au « top » du genre: esquimaux au chocolat champagne, servis dans leur coffret à l’azote, rhubarbe séchée et chocolat blanc ou encore mousse Caraïbes avec confiture de chocolat, caramel et oseille.

Pigeon au brocoli sauvage, cannelle, ail noir, macis, quinoa, airelles © GP

Les vins de la Germanie nouvelle vague suivent le mouvement. Comme le riesling Niersteiner de Wittmann en Rhein-Hesse, le sylvaner de Boessner en Franconie, l’élégant riesling Mandelpfad de Knipser en Palatinat ou encore, histoire de se rappeler que les grands rouges ont ici leur mot à dire, le pinot noir (spätburgunder) de Landmann à Fribourg-Steinmauer en pays de Bade. Bref, une grande table, avec son enrobage de haut luxe qui vaut ici l’étape prolongée, face au Reichstag et à deux pas de l’Ambassade de France.

Rhubarbe séchée et chocolat blanc © GP