Prima au Chalet du Mont d’Arbois
« Megève : la confirmation de Nicolas Hensinger »
On vous en a parlé très tôt: la table et son chef se confirment dans la qualité, jouant le jeu d’une Savoie rajeunie, d’un classicisme fort bien maîtrisé, d’un esthétisme jamais pris en défaut, avec le sens des assaisonnements précis, des assiettes jolies et bonnes, au gré du moment et de la saison. La table ? Celle du Chalet du Mont d’Arbois, qui fait sa mue, se fond dans le domaine du même nom, appartenant au groupe Rothschild, désormais géré sous le label Four Seasons.
Prima ? C’est le petit Poucet du lot, avec sa table cosy, ses recoins, ses fresques, sa vue sur le dehors, dans un cadre de chalet néo-autrichien, à la française. Nadine de Rothschild, comme auparavant la baronne Néomie, avait donné le ton du lieu. L’esprit de jadis perdure, dans les élégances bourgeoises du cadre, du service, de la cuisine fort joliment bourgeoise. Aux commandes des fourneaux, le jeune Nicolas Hensinger, natif de Colmar, formé au Schoenenbourg à Riquewihr, passé chez Nasti à Kaysersberg au Chambard, puis deux ans au Meurice avec Alléno, enfin, quatre ans à l’hôtel de ville de Crissier sous l’égide du génial Benoît Violier.
Sa trajectoire évoque, évidemment, celle de son aîné et compagnon de route, le deux étoiles du 1920, au Four Seasons, Julien Gatillon. Nicolas instille là une partition qui n’est pas indigne de son désormais illustre voisin: poireaux bleus d’hiver grillés en vinaigrette, pommes de terre et truffes, omble chevalier en chaud-froid cuit façon gravlax, cresson, citron confit, jeunes pousses acidulées ou encore jaune d’œuf de poule fermier à la truffe avec ses cardons lyonnais et sa baguette façon mouillettes donnent une idée fort sérieuse de ce qui se trame ici.
Les écrevisses cuites en court-bouillon en deux services (les premières en salpicon, nage comme une anglaise à la crème de tête, les autres étuvée au chou rave façon thaï avec crème Nantua) jouent les morceaux de bravoure, comme le très joli tronçon de sole plaqué au verjus, endives rafraîchies à l’orange avec oxalis. On passe sur les beaux instants carnassiers de la maison (poitrine de veau braisée et farcement, volaille à la cheminée, agneau de lait et primeurs comme un navarin).
Mais on ne fait pas l’impasse sur les fromages cuisinés, comme cette fausse raclette à l’abondance et truffe melanosporum. Les desserts, signés du frère de Nicolas, Romain, passé, lui, chez Haeberlin, au Cortile à Mulhouse et aux Cépages à Thoiry, valent de l’or, comme cette émulsion à la bière du Mont-Blanc, plus sorbet ananas et reine des prés ou le déjà classique Mont Blanc devenu « Mont d’Arbois », avec sa glace à la crème double, poire conférence, marrons, meringue et églantine.
Un mot encore sur l’immense carte des vins, dont on tire la modeste roussette de Savoie de Fabien Trosset, témoignant d’une belle fraîcheur, et le séducteur rioja Macan signé des domaines Edmond de Rothschild. La bonne affaire du lieu? Le menu de midi à 49 €. Qu’on se le dise!