Le Hockney de Cusset

Article du 3 mars 2018

Catherine Cusset ? On l’aime et la révère pour son culot, sa gniaque, son espièglerie, son empathie pour ses personnages fragiles et tourmentés. On avait passionnément aimé « L’autre qu’on adorait », à qui on aurait attribué le Goncourt d’il y a deux ans. Et l’on avait été séduit par « Le problème avec Jane », « Amours transversales », »La haine de la famille », « Un brillant avenir », « New York, journal d’un cycle ». Cette Française agrégée et exilée aux USA, qui colonise les pages de la « collection blanche » de la NRF depuis belle lurette, s’en prend cette fois-ci à un mythe vivant: David Hockney, le peintre de la « gaîté gay », ludique et coloré, en Californie, natif de Bradford, dans le Nord de l’Angleterre, ayant fait de LA son point d’exil, de Santa Monica Boulevard son repaire, des piscines californiennes et colorées – celles de « A Bigger Splash » – le cadre de sa légende. Peintre figuratif, entre hyperréalisme et pop art, décorateur, photographe, théoricien empiriste de nouvelles techniques, usant de la photos ou de l’ipad, ayant fait l’objet l’an passé d’une monumentale exposition phare à Beaubourg, David Hockney est plus qu’une légende, un mythe vivant, qui a survécu à toutes les morts, les passions, les disparitions tragiques des siens. Catherine Cusset, qui avoue en liminaire ne l’avoir jamais rencontré, raconte sa vie avec une minutie clinique. Tout est vrai, dit-elle, tous les faits, les oeuvres, les aventures amoureuses, les épisodes artistiques, même si les pensées sont inventées. Hockney, qui se bat pour être un artiste à contre-courant, en homosexuel militant pour sa liberté d’abord, dans un pays rigide, où « le petit défaut » est encore juridiquement condamné, va trouver un nouvel espace, une neuve façon d’être, Outre-Atlantique. Les allers-retours, les amants, les amis, les assistants, qui ponctuent sa vie, ses essais artistiques, toiles démultipliées, suppléments photographiques, aller-retour nombreux entre Angleterre et USA sont ici narrés, contés, pesés, expliqués, disséqués. De cette vie qui continue (Hockney a 81 ans), Cusset fait un roman riche, foisonnant, explicatif, passionnant, qui en dit long sur l’aller-retour permanent entre vie et création. Elle même, exilée féconde entre France et Amérique, se penche avec empathie sur cet exilé prolifique entre Bradford et Hollywood, Londres et LA. On se sort de ce roman foisonnant, entre biographie, récit, roman, la tête vibrionnante. La richesse Cusset donne de nouvelles couleurs au patchwork Hockney.

Vie de David Hockney de Catherine Cusset (Gallimard, 184 p., 18,50 €).

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Publié le 3 mars 2018 par

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