Les chuchotis du lundi: Ducasse et ses collectionneurs, la Liste dévoilée, le mariage Hermé/l’Occitane, les Sevin prennent le relais, le Café Pouchkine se lance, Ancher part, Petrus arrive, les anciens du Peninsula sont là!
Ducasse et ses collectionneurs
« Ce qu’on imite de moi, c’est ce que je dois abandonner; celui qui copie va droit à ce qui est ornemental, artificiel, périssable (…) Dès qu’on s’est lu chez autrui deux ou trois fois, on devient incapable de recommencer ses tours, car on s’est vu dans la « glace », tourné en ridicule. Continuer ce serait imiter ses imitateurs ». A l’évidence, Alain Ducasse a dû lire Paul Morand et ses Papiers d’Identité. Après avoir vu ses « amis » des Relais & Châteaux imiter très fidèlement la couverture orange de sa chaîne hôtelière « Châteaux & Hôtels Collection« , il a décidé non seulement de conserver un style de guide concis, sobre, pratique, mais d’en changer le nom. Désormais, les membres de la chaîne se nomment « les collectionneurs » – on songe évidemment aux « Marcheurs » d’Emmanuel Macron avec qui Ducasse a quelques affinités. « Nous sommes, dit-il, des Collectionneurs, car nous partageons un même esprit de curiosité, d’exigence et de générosité. Au fil de mes voyages et de mes découvertes culinaires, je ne cherche pas l’exception pour l’exceptionnel : le plaisir d’aujourd’hui ne ressemble pas à celui d’hier – et pour un collectionneur, la réalisation d’un désir ne construit pas de normes, ni de standards. Dans un hôtel familial ou à la table d’un restaurateur talentueux, il nous arrive d’être ému par la justesse d’une décoration, la personnalisation du service ou l’inventivité d’un plat. Nous créons notre collection de souvenirs. » Comme d’ailleurs Emmanuel Macron avec sa République en Marche, ralliant quelques Républicains et beaucoup d’autres de tous les bords, Alain Ducasse s’est assuré quelques belles « prises », avec des « collectionneurs » également membres des « Relais & Châteaux », comme Georges Blanc (pour les Saules et l’Ancienne Auberge), d’autres qui pourraient l’être, comme Mathieu Viannay de la Mère Brazier, Jean-Luc Tartarin, le deux macarons du Havre, ou Gilles Goujon, le trois étoiles de Fontjoncouse, d’autres qui le furent, comme Jean-Pierre Fava du Bas-Bréau à Barbizon, Michel Chabran ou Jean-Paul Lacombe.
La Liste dévoilée
Un coup de pub éventé? Un pétard mouillé? La Liste a dévoilé à la presse, avec près d’une semaine d’avance sur sa proclamation officielle, ce lundi 4 décembre au Quai d’Orsay, les résultats de sa version (la 3e) des mille meilleurs restaurants du monde, constituée à partir de « 55 guides et 35000 avis en lignes« , selon un algorithme assez mystérieux. En tête, Guy Savoy, suivi, ex aequo du Bernardin à New-York et de Kyubey à Tokyo, ensuite 3e ex aequo Alain Ducasse au Plaza-Athénée, le restaurant de l’Hôtel de Ville à Crissier mené par Franck Giovannoni et Brigitte Violier, plus Eleven Madison Park de Daniel Humm à New York qui figure en tête du classement des 50Best. Enfin, ex aequo en 7e position la Vague d’Or d’Arnaud Donckèle à la Pinède, Martin Berasategui à Lasarte, El Celler de Can Roca des frères Roca à Girone et French Laundry à Yountville en Californie de Thomas Keller. Rien qui ne s’oppose au guide Michelin dans la mesure où toutes ces maisons, comme la plupart de celles qui les suivent, ont trois étoiles (comme Alain Ducasse au Louis XV, Joël Robuchon à Tokyo ou Bernard Pacaud de l’Ambroisie à Paris ou Arnaud Lallement à Tinqueux). Il est vrai que la pierre est lancée non dans le jardin du guide rouge mais dans le celui, plus iconoclaste, des Fifty Best.
L’improbable mariage Hermé-l’Occitane
Est-ce le mariage de la carpe et du lapin? Le salon de thé Pierre Hermé, qui ouvre le 8 décembre au 86 Champs Elysées, en lieu et place d’un magasin Pro-Mod, que nous fûmes les premiers à annoncer, sera en fait un « concept store » Hermé-l’Occitane sous le nom, très neutre, « 86 Champs« . Explication « non officielle« , mais confirmée au sein du groupe provençal: Reinold Geiger, le magnat autrichien et résident suisse-genevois, propriétaire de la maison de produits de beauté sise à Manosque, aurait pris 40 % du groupe Hermé. L’intermédiaire n’est autre qu’Olivier Baussan, fondateur de l’Occitane et d’O & Co, ami de longue date de Pierre Hermé, qui lui a fait partager notamment son goût de la Corse et de la Méditerranée. Le « 86 Champs » proposera ainsi, dans un décor signé Laura Gonzalez, avec ses comptoirs d’entrée et ses mosaïques au sol, un « bar à desserts » permettant de goûter macarons, chocolats, gâteaux, coupes glacées, mais aussi de vrais plats salés, des cafés signés Hippolyte Courty de l’Arbre à Café, des thés griffés Georges Cannon, plus, bien sûr, toute la gamme de cosmétique l’Occitane, savons, parfums, crèmes de beauté. Certains produits Occitane, tel le baume pour les lèvres miel/mandarine ou l’eau de toilette jasmin/immortelle/neroli, sont, d’ores et déjà, signés Pierre Hermé.
Les Sevin prennent le relais de Christian Etienne
Chez Christian Etienne, dans la belle maison gourmande et étoilée d’Avignon, toute voisine du Palais des Papes, les patrons se nomment désormais Guilhem et Corinne Sevin. Si l’équipe a rajeuni, l’enseigne n’a pas changé. Guilhem, formé chez Troisgros à Roanne, qui fut le second de Christian Etienne, continue dans la même lignée, jouant la truffe noire de Provence, le menu sur le thème du cochon, les produits marins d’Atlantique ou de Méditerranée (saint-jacques, lotte, hoimard) et nobles de partout, tel le foie gras du Sud Ouest, suivant avec rigueur le rythme des saisons.
Le Café Pouchkine se lance
C’était l’ouverture canon de la semaine passée : le Café Pouchkine existe désormais à Paris, comme à Moscou, place de la Madeleine, à l’angle du boulevard des Capucines. Restaurant, bar, brasserie, boutique, salon de thé, comme un concurrent franco-russe de son désormais voisin Café de Paris, avec ses staffs, stucs, boiseries, miroirs, imités du XVIIIe siècle, et reproduits minutieusement par des artisans russes, avec ses clins d’oeil aux palais de Pavlosk et de Tsarkoe Selo près de Saint-Pétersbourg, imitant une sorte de cabinet de curiosités gourmandes avec son premier étage chic, son salon secret au 2e, sa terrasse sur le boulevard, son coin boutique, son service en continu depuis tôt le matin. Aux commandes, Andrey Dellos, fou d’art ancien et collectionneur tout azimut, franco-russe, venu de Moscou lancer le lieu en beauté. Un repas d’inauguration, mitonné par les équipes du Café Pouchkine, plus Jérôme Lacressonnière, chef-directeur de « Ducasse Conseil », a mis les petits plats dans les grands, avec blini et caviar, pelmini au foie gras et cèpes dans son bouillon de boeuf épicé, esturgeon en délicate gelée au caviar d’Aquitaine, millefeuille de hareng mimosa pithiviers (qu’on devrait nommer koulibiac) de poisson Mishka, plus boeuf Strogonoff, sandre Pojarski et desserts signés de la fée pâtissière maison, Nina Métayer. Pour tout savoir, cliquez là.
Ancher part, Petrus arrive
Après 43 ans de bons et loyaux services au Taillevent, d’abord sous l’égide de Jean-Claude Vrinat, dont il fut la doublure et le successeur, puis de la fille de ce dernier, Valérie, enfin de la famille Gardinier, Jean-Marie Ancher quitte la grande maison de la rue Lamennais dont il fut le directeur émérite. Il fera ses adieux officiels le 22 décembre prochain et devrait être remplacé en salle par le nouveau directeur général du groupe Taillevent, Antoine Petrus, passé notamment chez Bocuse, Lasserre et le Clarence. MOF sommelier, Petrus est fin prêt pour assurer cette délicate succession. Quant à Jean-Marie Ancher, il ne quitte pas tout à fait la scène gourmande: il s’apprête, en effet, à créer un prix destiné à revaloriser les métiers de la salle, qui devrait porter le nom de son maître Jean-Claude Vrinat. Sa tâche : aller dénicher de possibles lauréats, notamment en province, avec l’aide de Valérie Vrinat.
Le devenir des anciens du Peninsula
Ils ne sont pas dans la nature! Depuis la venue de Christophe Raoult au Peninsula, les anciens chefs de la maison s’organisent et débordent de projets, parfois ensemble, en tout cas tout près de la place de l’Etoile, donc à deux pas de leur ancienne maison, avenue Kléber. Laurent Poitevin, ex chef du Lobby, s’apprête à rejoindre Jean-Edern Hurstel, ancien chef exécutif du palace, qui a repris le Citrus-Etoile de Gilles Epié et devrait l’ouvrir en janvier sous le nom d’Edern. Les travaux ont pris un peu de retard, mais ont permis de découvrir une étonnante verrière. Quant à Sidney Redel, ancien du Cerf à Marlenheim et de Pierre Gagnaire, qui officiait à l’Oiseau Blanc, il dirige, depuis cette semaine, une toute neuve brasserie gourmande, propriété d’un de ses anciens clients : la Placette, rue Montenotte, en lisière de l’avenue Carnot. On vous en reparle vite.
‘L’algorithme mystérieux’ de la liste (de courses ?) ridiculise ceux qui, chroniqueurs, fonctionnaires et politiques, croyant bien faire, sont associés à cette opération consternante couronnée par une communication ringarde. Bravo à GP d’avoir pris ses distances avec cette initiative malheureuse qui finira par éclabousser ceux qu’elle prétend distinguer…
Félicitations!