Le Restaurant des Trois Couronnes
« Vevey : les délices des Trois Couronnes »
Cette belle table de palace, au cœur d’un monument historique rajeuni, mais gardant son style, sa sérénité, sa sobriété, sa discrétion, on vous en a parlé il y a quatre ans déjà. Le lieu évolue, la table, hélas, n’ouvre plus que le soir, mais prodigue, face au Léman, ses grâces d’un autre âge. Il y a ce service plus que parfait, avec son équipe partiellement formée à l’hôtel de ville de Crissier, sous la houlette du sourcilleux Vincent Mattera, la cave fournie en jolis flacons de toutes sortes et bien sûr de Suisse, la cuisine stylée de Lionel Rodriguez, toulousain passé chez Alain Ducasse au Bar et Boeuf de Monaco et Edgar Bovier au Lausanne-Palace.
Bref, une équipe soudée, sérieuse, dans un lieu hors mode, qui garde le chic de tout temps et promeut une nourriture de haute tenue avec des produits haut de gamme. Le style maison ? Un classicisme franco-français, léger, savant, pondéré, comme on le pratique en Suisse. Pressé de foie gras et magret de canard aux poires caramélisés à l’aceto, symphonie en mauve et vert avec ce splendide turbot sauvage cuit au naturel, chou farci à la sétoise, coulis de seiche, bel exercice iodé et artistique sur la langoustine à la plancha avec sa vinaigrette de coquillages et mandarines du fumoir font là du travail de ciseleur.
Il y a aussi la raviole de légumes oubliés au safran, plus ce morceau de roi que constitue la Poulette Miéral sauce Albufera, ses pommes Berny (qui sont des croquettes de pommes de terre truffées en forme de bouchons) et ses cardons glacés comme un exercice virtuose de tradition revisitée, fournissant une belle occasion de découpe au guéridon. On ajoute la ronde des fromages suisses, dont l’exquis « gruyère caramel », plus des desserts créatifs de choix, comme cette fraîcheur d’ananas et citron vert aux câpres séchés ou cette dacquoise moelleuse, avec cylindre coco et agrumes en folie de Niels Robin, le Bachès suisse.
Les vins suivent sous la houlette de l’auvergnat de Clermont, également passé à Crissier, Jocelyn Verny : blanc épesses d’Antoine Bovard en Lavaux, Chantons valaisan germanique dit Gletscherwein en savagnin, rouge gamay la Briva les Hutins de Dardagny dans le canton de Genève, syrah de Denis Mercier en Valais, merlot du Tessin de Vinattieri ou encore pinot noir Chlosterberg des chutes du Rhin avant le moelleux dezaley Medinette de Bovard? Bref, de la qualité franco-suisse qui résiste aux modes et au temps.