Azimut

C’est une maison douce et discrète, cachée au Praz, le vrai village de tradition, sis au bas de Courchevel,  près de l’historique cité de St Bon, qui donna naissance à la station. François et Sandrine Moureaux, qui tiennent, l’été, la Poutre à Bonlieu dans le Jura, s’y sont installés en douceur, rénovant une ancienne boulangerie, dans une improbable galerie commerciale, dont ils ont fait une maison de cÅ“ur. Le cadre est rustique, simple, clair, non sans chaleur. Le service, assuré par l’exquise Sandrine et la jolie Elsa, est plein de tact et de finesse. On propose là les menus du jour qui ne ruinent guère, allèchent le chaland curieux de la Savoie d’hier et d’aujourd’hui, changent au gré de la saison, de l’envie, du moment.

Les tarifs ont quelque chose d’obsolète et même de ridiculement bas, si on les compare aux prix stratosphériques de Courchevel 1850. Les produits sont simples, mais de belle extraction et de parfaite fraîcheur. Un lavaret – qui sera cuit au four, flanqué de céleri – sera luisant de fraîcheur avec sa chair douce et tendre, sa peau scintillante et brillante, qu’on croque avec plaisir. Une poitrine de porc – présentée confite servie avec un gratin de pommes de terre en port – sera d’un moelleux splendide et d’une tendreté parfaite.

Bref, c’est de la cuisine soignée et signée par artisan ciseleur, amoureux de son métier, sérieux comme un pape, mais ludique dans son allure, qu’on rêve de trouver partout en France et qui considère le gourmet de passage, comme un ami probable et non un pigeon à plumer. Autant dire que voilà une maison amicale et complice, qu’on a envie de défendre, de faire connaître et d’en tisser l’éloge à feu continu. On louera ainsi, au gré d’un menu à 39 € le rouget en escabèche, le rognon sauté à la réglisse avec son jus au reblochon ou encore les crêpes façon poires Belle Hélène au goût d’enfance.

Mais les plaisirs démarrent ici à 28 €, avec un velouté d’insolites carottes pourpres plus son flan de châtaignes et un pavé de saumon rôti à la crème de champignons, avant une crème brûlée à la praline rose : simplement parfait ! On pense à Régis Marcon à ses débuts aux Cimes de St Bonnet le Froid – et le compliment n’est pas mince. Et l’on se dit que le Michelin a été bien inspiré de couronner cette demeure modeste d’une étoile bien méritée.

On n’oublie pas de louer les jolies trouvailles vineuses, comme ce côtes du Jura 1999 issu de savagnin du domaine Pignier à Montaigu, aux plaisants parfums de noix fraîche, de vanille et de miel, très vin jaune, ni la jolie mondeuse, cuvée Elisa 2009, de Jean-François Quénard à Chignin, superbement violette avec nez de violette et de cassis mêlés: des crus de coeur tarifés à prix de raison. In fine, le génépi des pères Chartreux se boit comme un élixir de jouvence.

François Moureaux, formé à Paris à la Tour d’Argent à l’époque de Manuel Martinez, chez Marius et Janette au temps de Laurent Haudiot, au Scribe, avec Philippe Pleuen, mais aussi chez Lameloise à Chagny et Guy Martin au Château de Divonne, a manifestement de l’or dans les mains. Il est, à la montagne, le « petit » qui arrive. Fasse le ciel que les petits cochons de la mode ne le croquent pas