Le magicien OZ

Article du 31 mai 2010
Amos Oz - Scènes de vie villageoise
Chaque année, son nom revient sur liste des nobélisables. Amos Oz (« la force » en hébreu), né Klausner dans la Jérusalem de 1939, originaire d’une famille polonaise, joue désormais le rôle de sage dans sa demeure d’Arad aux portes du désert. Il fut militant fondateur de Shalom Arshav (« la paix maintenant »), lutta pour une meilleure compréhension envers les Palestiniens (« Aidez-nous à divorcer ! »), et usa de ses mots, de sa langue limpide et fluide, pour faire connaître son pays en proie au doute.
« Mon Michael », qui lui valut la gloire internationale, « Toucher l’eau, toucher le vent », « Ne dis pas la nuit », « la Boite Noire » (prix Fémina Etranger) ou « Un juste repos » sont quelques des étapes fondamentales de son œuvre. Ses personnages, qui vivent en Israël, luttent contre la fuite du temps, jouant l’avenir du pays, comme leur propre présence au monde. C’est exactement le propos de son nouvel opus. Ses huit « scènes de vie villageoise » s’emboîtent comme les pièces d’un puzzle, avec ses héros ordinaires et ses titres qui se répondent : « les héritiers, les proches, les étrangers ». Et puis : « creuser, perdre, attendre, chanter ». Sans oublier : « ailleurs, dans un autre temps ».
Oz imagine le décor de Tel-Ilan, village de pionniers mué en cité touristique, avec ses caves à vins et ses galeries d’art (on pense à Zichron Yaacov dans la région des vignes ou à Rosh Pina en Galilée proche du Golan) et met en scène des personnages attachants face à leur désarroi. Arieh Zelnik reçoit la mystérieuse visite d’un avocat désireux de gérer le futur héritage de sa mère. Le médecin Gili Steiner attend vainement l’arrivée de son neveu Gideon qui a pris le dernier car de la ville. L’ancien député, Pessah Kedem, croit que l’on creuse la nuit dans sa cave, et peste contre sa fille Rachel qui loue une maison annexe à un étudiant arabe. Yossi Sasson, agent immobilier, veut racheter la demeure ancienne de l’écrivain Batya Rubin et croit pouvoir faire affaire avec sa fille, le jeune Yardena. Ben Avni, maire du village, attend vainement sa femme, qui lui a laissé un mot sibyllin (« ne t’inquiète pas pour moi »).
Oz instille le mystère, sème le doute, laisse place à l’espoir, ménage l’intérêt du lecteur entre inquiétude et angoisse. On est vite complice de cette petite comédie humaine attachante, à la fois très israélienne et totalement universelle.

Scènes de vie villageoise, d’Amos Oz, traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen (Gallimard, 203 pages, 16,90 €).

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Publié le 31 mai 2010 par

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