Les chuchotis du lundi : Fanny Rey reine de France, Poullenec Michelin Man, Ducasse voyage au Spoon, Dupuis-Baumal s’éclate aux Baux, le chef et le philosophe, qui a racheté l’Oasis? 2 étoiles pour Lefebvre, Ollie reprend la Régalade, Sombardier aux Champs
Fanny Rey, reine de France
Nouvelle étoilée au Michelin de France 2017 (seule femme pour 70 nouvelles étoiles) bénéficie du premier trophée Veuve-Clicquot-Michelin, décernée à une femme chef. L’autre soir, chez elle à Saint-Rémy-de-Provence, cette Bourguignonne de Chenôve, formée en Franche Comté et engagée dans la marine marchande, qui a rencontré son futur mari, Jonathan Wahid au Ritz, le suivant à Baumanière, donnait une leçon de cuisine franco-provençale (saint-jacques et sole côtoyaient retour de pêche méditerranéenne) pour son repas de gala, avec le staff de Veuve Clicquot et celui de Michelin, affirmant en tout cas sa belle maîtrise. Les femmes dotées d’une étoile ne sont que seize en tout sur un total de plus de 600 étoiles. Et Nicole Fagegaltier du Vieux Pont à Belcastel en Aveyron, Fanny Herpin de Benoît à Paris et Nadia Sammut de la Fenière à Lourmarin avaient fait le déplacement pour l’occasion. On reparle vite de Fanny Rey et de cette belle soirée.
Gwendal Poullenec, l’homme qui monte chez Michelin
On cherche toujours qui sera la tête montante chez Michelin. Le nom qui revient chez les initiés est celui de Gwendal Poullenec. Ce jeune Breton bûcheur et voyageur, élevé à Versailles, ancien de l’Essec, qui fut près de quatre ans, de 2006 à 2010, le promoteur des Guides Michelin Japon, depuis la base de Tokyo, vers Kyoto, Osaka, mais aussi de toute l’Asie, avec Hong Kong, Macao et Seoul, puis a développé durant sept ans le digital, a désormais en charge tout l’international du guide. C’est lui qui répond aux questions que se posent les lecteurs sur le travail des inspecteurs, le quota d’étoiles et les prochaines destinations, sur le site officiel du guide. Etoile assurément montante, doté de charisme, fin, vif, élancé, lui que l’on nommait jadis « le jivaro » s’assouplit, participe discrètement aux nombreux lancements du guide en province et à l’étranger. On le cite souvent comme un possible successeur de Michael Ellis, dont la position s’affirme et se développe. Mais rien ne presse. Le temps joue pour lui.
Alain Ducasse voyage au Spoon2
« Quand Ducasse ouvre une table, c’est bon tout de suite« , avait coutume de dire le regretté Bernard Loiseau, qui avait notamment assisté aux réouvertures ducassiennes des Lyonnais et de Benoît. Vingt ans après, Alain Ducasse retente l’aventure du Spoon, devenu le Spoon2, sous le Palais Brongniart, à l’endroit où Yannick Alleno avait tenté en vain de faire un succès commercial avec son Terroir Parisien. Au menu du Spoon nouveau: cuisine du monde, plats imités avec talent de Taïwan (un gâteau de crevettes à se pâmer!), du Liban , de Chine, du Japon, d’Amérique Latine (le très visuel « chili sin carne ») et du Maroc. On ne s’ennuie pas chez Ducasse. Le hasard (?) veut que sa nouvelle maison ouvre le jour de la sortie du film très voyageur que lui consacre Gilles de Maistre: « la quête d’Alain Ducasse« . On reparle très vite de cet exquis Spoon 2.
Matthieu Dupuis-Baumal s’éclate aux Baux
Le nouvel OVNI de la cuisine provençale? Il s’appelle Matthieu Dupuis-Baumal, a des allures de héros de manga façon « Musclor« , a voyagé dans le monde entier (en Angleterre, au trois étoiles des Roux, le Waterside Inn de Bray-on-Thames, à New York chez Boulud, au Japon, en Italie chez Nadia Santini, au Brésil chez Alex Atala, entre autres), sans négliger le Palais à Biarritz, le Puits Saint-Jacques à Pujaudran, le Cinq et la Grande Cascade à Paris, puis de devenir, trois ans durant, second chez Troisgros. Cette mini bombe gourmande exerce son talent au domaine de Manville, à la fois hôtel de luxe, resort et golf, mais aussi table très gastro, ouverte, hélas, le soir seulement, aux Baux de Provence. On y revient sous peu.
Gérard Idoux et Matthieu Ricard : le chef et le philosophe
On connaît Matthieu Ricard, moine bouddhiste, proche conseiller du Dalaï Lama, écrivain, photographe, voyageur, à qui on doit maints livres sur le Boutan, le Tibet, le génocide animal ou la philosophie zen. On n’oublie pas non plus que Matthieu est le fils de Jean-François Revel, né Ricard, grand gourmand, auteur émérite d’un « Festin en paroles », d’une préface à « la Physiologie du Goût de Brillat-Savarin » et avec qui il avait signé « le Moine et le Philosophe« . A Paris, Jean-François Revel, par ailleurs membre de l’Académie Française et éditorialiste au Point, après avoir dirigé l’Express, avait ses habitudes au Récamier. On comprendra que son fils, venu à Paris, présenter son dernier ouvrage (Un demi-siècle dans l’Himalaya), soit venu déjeuner chez Gérard Idoux, lui offrant son dernier livre, en se régalant de ses soufflés.
La Napoule: à qui appartient l’Oasis?
Notre vénérable confrère Maurice Beaudoin, souvent en décalage avec l’actualité, réclamait, la semaine passée, dans le Figaro Magazine, une 3e étoile pour l’Oasis à la Napoule, celle qui fait défaut à cette maison depuis 1988 et le départ de Louis Outhier, puis son acquisition par les frères Raimbault. Or, cette maison a été cédée récemment à Iskandar Safa, magnat de l’armement maritime, l’homme réputé le plus riche du Liban après les Harari, pour une somme non négligeable, quoique non confirmée de trois millions d’euros, à charge pour Stéphane Raimbault, l’aîné de la fratrie, de se trouver un successeur dans les quatre années à venir.
Ce dernier gère pour le moment, avec ses deux frères, François et Antoine, le voisin Bistrot de l’Ermitage du Riou, racheté par Safa, à Mandelieu (qui possède également, sous l’étiquette du domaine de Barbossi), le golf local. Un nouveau chef doit être nommé au golf le 15 octobre prochain. Quant à l’Ermitage, des travaux de rénovation importants sont prévus pour lui permettre d’accéder au statut de Relais & Châteaux. On voit mal, en tout cas, le Michelin accorder une troisième étoile à un Oasis à l’avenir incertain. Et qui doit d’abord s’efforcer de garder la seconde.
Cordeillan-Bages: deux étoiles pour Julien Lefebvre?
C’est la nouvelle star du Médoc. Julien Lefebvre, qui obtint successivement une étoile à Hexagone, deux à Histoires, une au Divellec, sous le sceau de Mathieu Pacaud, a remplacé avec brio Jean-Luc Rocha, successeur de Thierry Marx au Château de Cordeillan-Bages à Pauillac. Ce Normand de Lisieux, passionné de cuisine classique, qui aime les vieux grimoires, signés Escoffier et Ali Bab, retrouve mets et recettes d’antan avec un brio qui fait songer à son presque sosie Jean-François Piège. Ses interprétations du retour de l’estuaire, du cèpe, de la sole en sandwich, du lièvre à la royale et de la volaille au caviar passionne. On le voit fort bien récupérer les deux étoiles qui manquent cette année à Cordeillan-Bages. D’autant que Histoires, en voie de fermeture, devrait logiquement perdre les siennes.
Ollie reprend la Régalade
Il s’appelle Oliver – dit « Ollie » – Clarke, a travaillé en Angleterre, en Cornouailles, chez Rick Stein (au SeaFood Restaurant de Padstow, sous la houlette du français Stéphane Delourme) a traversé la Manche, a oeuvré chez Fish la Boissonnerie, de Drew Harre et Juan Sanchez, qui cultive, rue de Seine, à Saint-Germain-des-Près, la bonne cuisine française, revue avec l’accent british, avant de devenir le second de Bruno Doucet, notamment à la Régalade Saint-Honoré. Ce dernier vient de lui céder l’historique Régalade de l’avenue Jean-Moulin, où jadis Yves Camdeborde mit sur orbite la nouvelle « bistronomie ». Au programme, cuisine du marché, jolis légumes bios et viandes à la traçabilité sans faille. A suivre de près. Nom de code du nouveau lieu, sans doute provisoire : Origins 14 – la Régalade. Téléphone: 01 45 45 68 58. Fermeture: sam., dim., lundi midi.
Sombardier aux Champs
Alex Bril, jeune et gourmand entrepreneur franco-russe, qui possède la brasserie Yeeels, avenue George V, s’apprête à doubler la mise avec l’ouverture d’une table aux ambitions gastronomiques. Celle-ci sera placée sous la houlette de Thibault Sombardier. L’ex-star de Top Chef (il fut finaliste 2014), étoilé chez Antoine, avenue de New York, sur les quais dans le 16e, face à la Seine, qui est aubergiste popu dans le 19e, rue Mélingue, à l’enseigne de Mensae, jadis passé chez Dutournier – il fut le chef du Trou Gascon – en sera le conseiller culinaire. Ouverture prévue en décembre, rue Vernet, angle Bassano, juste en face au cabaret Raspoutine, à quelques mètres des Champs-Elysées. Enseigne envisagée : Jacopo, comme Bassano (peintre de la Renaissance qui a donné son nom à la rue), même si la cuisine prévue n’est pas italienne…