Richard, Magda et les autres

Article du 24 août 2017

Berlin printemps 1945 : c’est l’hiver du « Grand Reich ». Magda Goebbels est réfugiée avec son mari et ses six enfants dans le bunker du Führer. Elle revoit son destin de première dame du régime, si proche d’Hitler, élevée pourtant par son beau-père juif, Richard Friedlander, qui est appelé à disparaître au camp de Buchenwald sans qu’elle ait levé le petit doigt pour le défendre. Ce livre – qui se lit à la fois comme une confession à plusieurs voix, un roman choral, un document éclairant – évoque, en parallèle au destin de Magda – née Behrend, devenue Friedlander par adoption, puis Quandt, du nom de son premier mari, amoureuse du leader sioniste Viktor Arlozoroff (cf le roman de Tobie Nathan « Qui a tué Arlozoroff? ») – celui, terrible, fascinant, fuyant, désespéré des miraculeux échappés des camps qui ont tenté de sauver la mémoire et la confession de Richard Friedlander.

On suit ainsi Judah, Fela, puis la petite Ava, qui conserveront la parole de Richard dans un rouleau de cuir. Sébastien Spitzer, dont c’est là le premier roman, mais un roman fort bien maîtrisé, avec le poids de la documentation historique jamais pesant, jongle avec habileté avec le destin de ses personnages. Histoire en miettes, sang et boue, cruauté et réalisme mêlés avec une redoutable efficacité: voilà qui fait le prix de son livre. On assiste à la chute du nazisme, si l’on peut dire, en prenant son temps. Spitzer dissèque la vérité des crimes, des mensonges, des vérités non dites, des messages qui passent et repassent, de la mémoire qui dure, tout en suivant l’itinéraire tourmenté de ses personnages, mêlant fiction et personnages réels (on y découvre notamment la belle photographe Lee Miller, devenue ici Lee Meyer). Premier livre, sacré roman, si riche, si dense. A lire avec passion.

Ces rêves qu’on piétine de Sébastien Spitzer (Editions de l’Observatoire, 304 pages, 20 €)

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Publié le 24 août 2017 par

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