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Rondeau et la marche du temps

Article du 3 août 2017

Son nouveau roman, Mécaniques du chaos, qui paraît le 16 août chez Grasset, sera l’un des grands livres de la rentrée. Avant d’en parler ici, je me permets de reprendre mon article paru dans « le Point » en 2006 à propos de la réédition en poche de « Dans la Marche du Temps » qui rata le Goncourt et le reste l’année de sa parution. Un grand roman à relire…

Il fut le meilleur d’une saison – 2004 – où il mieux valait ne pas être estampillé « Grasset ». Rondeau aurait dû avoir le Goncourt ou le Renaudot cette année là. Ou les deux. Plus l’Académie Française, le Médicis. Pourquoi pas !

« Dans la marche du temps », ce grand livre de plus de mille pages en poche est l’aboutissement d’une carrière de vingt ans. Des livres de voyage (« Tanger »), des essais, des divagations autobiographiques (il est temps de relire le merveilleux « l’Enthousiasme »), des romans, bien sûr, qui prennent le train de l’histoire (« les Tambours du monde ») : voilà de quoi définir un style, reconnaître une démarche, éprouver une signature.

Rondeau est quelqu’un qui a pris le temps. Il fut le compagnon du général Aoun au Liban, l’églogue de Paul Bowles sur les collines tangéroises, l’éditeur de Quai Voltaire, avant d’être celui de « Bouquins ». Il est aussi le solitaire de la ferme de Commercy, au cœur de la champagne vineuse, celle de la côte des blancs.

C’est là qu’il s’est immergé, sept ans durant, pour rédiger ce qu’il faut bien nommer un chef d’oeuvre : la rencontre d’un père et d’un fils qui s’ignorent, ont traversé le siècle, ont accompli des exploits, franchi des fossés, semés des pépites. Verdun et mai 68, la terre et les morts, la campagne d’Argonne et Buchenwald, les grèves et le gauchisme : à un demi-siècle d’intervalle, Pierre et Augustin ont tout vécu, aimé quelques femmes, partagé maints combats, essuyé tant de défaites. A travers eux, c’est tout le XXe siècle qui livre son souffle, ses espoirs, ses déceptions, ses impostures.

Grand livre, beau dessein, belle écriture : Barrès (celui d’ « Un Homme Libre »), Semprun (« le Grand Voyage », « Quel beau dimanche ! »), Nourissier (« une Histoire française ») se sont découvert là un cousin proche, un frère d’armes, un jumeau de plume. Classique, déjà, ancré dans la tradition, nostalgique du présent, Daniel Rondeau livre un gros roman au souffle si fort qu’il emporte tout sur son passage.

Dans la marche du temps de Daniel Rondeau (Livre de Poche, 1143 pages, 9,60 €)

A propos de cet article

Publié le 3 août 2017 par

Rondeau et la marche du temps” : 1 avis

  • ERIC L

    Un livre « hénaurme », comme disait Flaubert ! Entièrement d’accord avec votre jugement, ce bouquin est magnifique. Le roman tel qu’on l’aime. A lire ou à relire !

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