Voilà un premier roman trompeur. On s’imagine un portrait de la France profonde et on atterrit dans les méandres de la dernière mode parisienne. C’est que deux mondes ici vont se rejoindre: d’abord un bourg de Vendée, en lisière du Maine-et-Loire, côté Sud, avec sa coopérative de légumes (la Louve, d’où le titre) mise en place par Camille Vollot. Ce fils de bouchers, en révolte contre son frère qui a repris, lui, la tradition familiale, se révèle en adepte éclairé de la permaculture, relayé par son épouse la belle Victoire; et puis Paris la grand ville, où la Louve livre ses légumes, où un aventurier de la finance et escroc de haut vol, Raoul Sarkis, s’apprête à monter, dans une ancienne manufacture de cire proche des anciennes halles, le Pavillon des Horizons, dit le PaHo, utilisant les meilleurs produits bios, cumulant, galeries, boutiques et restaurants… Bien documenté, savamment articulé, ce roman raconte comme ces deux planètes différentes vont finir par se catapulter. On se doute que Paul-Henry Bizon s’est inspiré du récent projet de la « Jeune Rue », lancé par un certain Cédric Naudon, louangé dans un premier temps par la presse, qui s’est avéré être un monumental fiasco, après avoir travaillé avec des agriculteurs de talent (comme Perrine et Charles Hervé-Gruyer de la ferme du Bec Hellouin). Même discours écolo-fondateur, gastronomico-élitaire et populaire à la fois au service d’un projet ambitieux qui n’arrivera jamais à son terme. Mais ce livre n’est pas un document. Fiction s’inspirant de l’actualité, avec des caractères bien troussés, évitant souvent la caricature, même si certaines scènes de sexe frisent le ridicule, l’ensemble se tient avec habileté et se lit avec plaisir.

La Louve de Paul-Henry Bizon (Gallimard, 239 pages, 18 €).