La Balzac de l’Underground
On l’a attendu deux ans, le revoilà. Qui ça? Vernon Subutex, le contre-héros presque parfait de Virginie Despentes, ex disquaire usé par la vie, devenu SDF, DJ, gourou, poète, prophète. Après avoir squatté chez les uns et les autres, il a entraîné avec lui une équipe de bras cassés déclassés passionnés. Les voilà revivant une vie nouvelle, ce qui, signifie – on le comprendra à la fin – qu’un nouveau culte pourra naître des décombres de leurs vies. Entre temps, entre les deux tomes 2 et 3, se sont écoulés non seulement deux ans, mais des tueries (Charlie Hebdo, Orlando, le Bataclan), qui ont donné un nouveau sens plus craintif, plus angoissant au monde. Princesse de l’apocalypse (se souvient-t-on de la fin, façon attentat fou, d’Apocalypse Bébé), Despentes se dévoile en grande prêtresse d’un monde nouveau. On l’avait affublée du méchant qualificatif de Marc Lévy de l’Undergound.
Le tome 3 pulvérise les incertitudes qu’avaient fait naître le tome 2 plus faiblard. C’est une Balzac de son style et de son registre qui nous fait retrouver des personnages détonants, fous, foisonnants, perdus, perdants, Dopalet, le producteur assoiffé de vengeance, la Hyène, détective au long cours, justicière intrépide, Céleste et Aïcha, vengeresses puis victimes, et encore Marcia, Mariana, Stéphanie, Paméla Kant, Kiko… Vous vous perdez? Vous vous perdrez, c’est sûr. Comme Balzac, lui-même, mourant, qui appelle à sa rescousse Horace Bianchon, le médecin de la Comédie Humaine sur son lit d’agonisant, Despentes invoque Vernon Subutex, gourou magicien d’un monde qui meurt, qui envoie SMS et à l’aveugle, ou se déconnecte pour mieux se retrouver. Un monde a-littéraire, entre fange et paillettes, bas-fonds et studios. Sexe, drogue, rock’n’roll n’y font rien, même s’ils le portent. Seule la littérature surnage. Ce tome 3, très bondissant nous en offre une fort belle tranche. Foisonnante, bourrée de vitamines et d’idées (on allait dire de LSD – mais c’est passé de mode!).
Vernon Subutex 3 de Virginie Despentes (Grasset, 399 pages, 19,90 €).
Cher M. Pudlowski, lorsque vous aviez qualifié Virginie Despentes de « Marc Levy de l’Underground », j’y étais allé de mon commentaire – déplaisant à votre égard – sur ce même blog.
Je vois avec plaisir que vous faites amende honorable, et avant même d’avoir lu ce troisième tome et donc de m’en faire ma propre opinion, je vous tire mon chapeau pour cela…
Très cordialement