Les chuchotis du lundi: Legendre revient, le trio d’Annecy, la farce des 50Best, Durin v/s Tripadvisor, les enfants d’Etchebest, le boom Troisgros, la gniaque de Mauro, Amo par Alajmo

Article du 10 avril 2017

Legendre revient

Philippe Legendre au temps du Cinq © Maurice Rougemont

Il avait quasiment disparu de la planète food parisienne. Voilà Philippe Legendre, MOF et ex 3 étoiles au Cinq George V, devenu grand manitou conseilleur de Hakim Gaouaoui, qui multiplie les belles adresses aux abords de la capitale – Saperlipopette, c’est lui aussi -, comme l’Escargot 1903,  tous deux à Puteaux, Macaille à Suresnes et désormais, dans cette dernière commune, Là-Haut, en lieu et place des Jardins de Camille, tout près du Mont Valérien. D’autres projets en banlieue sont en cours, toujours avec le conseil culinaire de Philippe Legendre, où Hakim doit mettre sa belle patte décorative. Notamment à Vanves et à Colombes (en lieu et place du Bistrot de Paris). On en reparle évidemment. A noter, que l’Escargot 1903, désormais étoilé sous la houlette de Paolo Boscaro, reste, lui, uniquement gouverné par ce dernier.

Le trio d’Annecy

Yoann Conte, Jean Sulpice, Laurent Petit © Le Chef/Gilles Bertrand

On les pensait frères ennemis: le magazine le Chef du mois d’avril les a réunis le temps d’une photo et d’une interview vérité. Les trois « deux étoiles » du lac d’Annecy (Yoann Conte à Veyrier du Lac, Jean Sulpice à Talloires, Laurent Petit à Annecy) affirment qu’ils veulent « faire d’Annecy le Saint-Sébastien français » (le mot est de Laurent Petit, qui l’a d’ailleurs évoqué plusieurs fois dans les Chuchotis). Tous trois rendent hommage à Marc Veyrat, le grand voisin de Manigod, sans qui la cuisine de Savoie ne serait pas ce qu’elle est (« si nous en sommes là aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à lui« , note Yoann Conte. Jean Sulpice révèle: « on doit avancer ensemble pour créer une synergie gastronomique« . Et Laurent Petit de préciser : « Nous sommes trois profils différents et c’est une grande force. Jean, c’est un grand ambitieux avec un esprit très structuré et très déterminé (…). Yoann est un aubergiste au grand cœur débordant d’enthousiasme. Moi, je suis plus un autodidacte qui a de l’expérience. Au fond de moi,  j’ai l’intime conviction que, d’ici les dix prochaines années, nous arriverons tous les trois à décrocher trois étoiles au guide Michelin« .

La farce des 50Best

Les lauréats lors de la cérémonie à Melbourne © 50Best

Une kermesse, parfaitement organisée, où tout le monde semble ravi, se congratule, y compris lorsqu’il chute lourdement dans le classement (on pense à Heston Blumenthal dont le Dinner londonien, dans le cadre du Mandarin-Oriental, n’est plus que 36e après avoir figuré dans les cinq premiers, même s’il a reçu le « life time achievement award » comme lot de consolation), un  premier de la classe mondiale, qui n’est pas forcément le meilleur de sa ville (on pense à Daniel Humm, helvète new yorkais du Eleven Madison Park, dont le restaurant sis dans l’ancien Crédit Suisse, plus théâtral que franchement génial): bref, les 50best qui fêtaient cette année leur 15e anniversaire ont surtout réalisé une démonstration commerciale de belle ampleur. Démonstration de force ou farce gourmande? Comme le suggère le critique gastronomique anglais, John Lanchester, interrogé par notre collègue l’Express:  « l’idée de départ était excellente: proposer une alternative au guide Michelin -considéré par beaucoup comme trop rigide et trop français- afin de mieux refléter et de promouvoir la diversité de la haute gastronomie mondiale. Hélas, au fil des années, tout cela est devenu grotesque. Sous la pression du classement, les restaurants se sont mis à faire d’immenses efforts de storytelling afin de raconter l’histoire culinaire qui leur donnerait le plus de chances de séduire le jury. Peu à peu, on s’est mis à penser, et à manger, en fonction de ce que dit le « 50 Best ». Cela devrait être le contraire! Le rapport d’influence s’est inversé. Par ailleurs, il est ridicule de croire qu’il existe quelque chose comme le « meilleur restaurant du monde ». Lorsque vous vous asseyez à une table réservée depuis six mois, aucun plat ne saurait être à la hauteur de vos attentes! Quant à la méthodologie, elle manque de transparence. Il y a beaucoup de lobbying, les jurés sont incités à nouer des alliances pour faire gagner leur pays… Tout cela contribue à dénaturer notre rapport à la gastronomie, et pas seulement dans ses hautes sphères.  »

Durin versus Tripadvisor

Vincent Durin © AA

« Tripadvisor, ras le bol! » C’est le message que vient de faire passer avec succès Vincent Durin, chef/patron des Moulins de Saint Aygulf, sur Facebook, avec sa vidéo coup de gueule, réalisée dans sa cuisine par lui-même, s’en prenant à ses détracteurs, créant un incroyable buzz de printemps avec plus de 300 000 vues. Répondant, assez crûment, façon « Tontons Flingueurs »,  à des commentaires désobligeants sur le site le plus controversé du genre sur la planète web, il a su dire tout haut ce que beaucoup de ses collègues pensent tout bas, quoique sans oser le crier sur les toits de peur de perdre leur clientèle. Durin,  sensible et bûcher, ex charcutier traiteur dans le Sud Bretagne, puis parti 7 ans au Canada près de Montréal, s’est installé dans le Var avec succès. Son explosion digitale va faire parler de lui. Mais son cadre dans les tons mauves, sa terrasse charmeuse, près de la mer et sa cuisine d’instinct usant des produits locaux avec malice valent le détour. On en reparle très très vite.

Les enfants d’Etchebest

L’équipe de Détour © GP

Christian Etchebest vient de lancer avec discrétion sa sixième Cantine du Troquet au 46 rue Bayen dans le 17e, après ses deux du 14e, rue de l’Ouest et rue Daguerre, celle du 6e, rue du Cherche Midi, celle du 15e, avenue Dupleix, celle de Rungis. Mais il n’entend pas s’arrêter là! Ce généreux qui a vendu sa premier Troquet, celui de la rue François Bonvin, a aidé ses élèves à s’installer. Outre, Benoît Gauthier installé depuis une décennie déjà au Grand Pan et au Petit Pan, rue Rosenwald dans le 15e, voilà le tout dernier de ses « enfants »: Adrien Cachot, passé au Troquet et dans ses cantines, mais aussi chez Nicolas Magie à Cenon et à Bouliac, au St James, créée l’événement au 15 rue de la Tour des Dames, juste derrière l’église de la Trinité, avec des menus à prix sages (22, 28, 32 €) et une cuisine créative. On en parle vite!

Le boom Troisgros

Michel Troisgros en cuisine © GP

Un déménagement réussi, avec un hôtel de charme, un domaine de 17 ha au vert, entre étang et forêt, plus, bien sûr, une table ouverte sur le dehors, imaginée par Patrick Bouchain, bâtie autour d’un arbre (« le Bois Sans Feuilles »), des projets pleins la tête, une cuisine de choc, en forme, à la fois classique et contemporaine, légère et rajeunie, soucieuse de ses racines et allant de l’avant: la nouvelle Maison Troisgros, managée par Marie-Pierre, Michel et leur fils César, peut dresser un bilan réussi après deux mois de réouverture à Ouches, 8 km seulement du centre de Roanne, mais en pleine nature. La critique est venue, unanime à tirer ses bonnes flèches positives et le carnet de réservation de week-end est plein pour les 6 mois à venir. Pour ceux qui ont raté nos chroniques, il suffit de cliquer et . A noter que leur bistrot/brasserie le Central, face à la gare roannaise, n’a pas bougé et qu’il s’agit toujours une belle affaire à saisir.

La gniaque de Mauro

Mauro Colagreco à Paris le 7 avril © GP

Fortiche, Mauro Colagreco! 48 heures seulement après été sacré 4e meilleur restaurant du monde pour son Mirazur de Menton et 1er français lors de la cérémonie des 50Best (voir plus haut), il était présent à Paris, au Grand Coeur dans le Marais, pour une démonstration de force et de prestige pour la presse parisienne. Un avion Melbourne-Abu Dhabi, puis Abu Dhabi-Paris, plus tard, et il prêtait la main à son adjoint sur place, le brésilien Rafaël Gomes, pour composer une symphonie légère très convaincante. Avec notamment une huître à la poire, un cannelloni de tourteau à l’avocat, des tagliatelle de calamars, un canard au sésame et un dessert mariant orange, safran, amande pleins de brio. On en reparle vite.

Amo par Alajmo

Raffaelle et Massimiliano Alajmo © GP

Ils cumulent les belles maisons: le trois étoiles Calandre à Rubano près de Padoue, avec son annexe dite Calandrino, le une étoile du golf de La Montecchia à Selvazzano Dentro, le Quadri étoilé sur la place Saint-Marc à Venise avec sa brasserie au rez de chaussée, le Caffè Stern à Paris. Voilà les frères Alajmo, le chef Raffaelle dit Raf, l’homme de salle Massimiliano dit Max, reprenant du service à Venise, avec leur complice décorateur de Paris, Philippe Starck. Ils lancent la toute neuve table et sa cafétéria dans la Fondaco dei Tedeschi à Venise : un grand magasin de la Renaissance qui redevient, sous la houlette de DFS, leader mondial du Duty Free et filiale de LVMH, un centre du shopping de luxe. Au programme: cuisine italienne nouvelle vague avec les grands classiques transalpins (de la pizza aux pâtes et à la milanaise, en passant par la tomate/mozza et le tiramisu) revus au goût du jour. Le nom du lieu: Amo, comme « j’aime » en italien, mais qui a la contraction de Alajmo. CQFD.

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