La Tour d'Argent

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Article du 30 mai 2010
Restaurant la Tour d'Argent

Restaurant la Tour d’Argent

Diner hier soir à la Tour d’Argent. Magie intacte du lieu: avec une table face à Notre-Dame illuminée, une service de classe en noeud papillon et smoking, ordonné comme un ballet. Le nouveau duo directeur a vingt ans de moins que l’ancien patron et auberge de génie Claude Terrail. Aux commandes, désormais: André, fils de Claude, 29 ans, et le nouveau venu des fourneaux Laurent Delarbre, 39 ans, MOF, qui fut chef du Café de la Paix, et débuta ici même. A eux la mission de donner un nouvel élan à cette demeure immortelle. La carte médiévalisante et argentée – mythique – de jadis a fait place à une formule blanche, plus sobre – plus banale? Mais pourquoi pas.

Il y a là un menu dégustation à 160 € qui joue le plat en petite portion bien dosée, une formule menu découverte au même tarif raisonnable pour le lieu – magique-, genre « carte blanche au chef ». Au menu de ce soir, un dosage entre tradition et novation: quenelles de brochet « André Terrail » (du nom du grand père de l’actuel propriétaire) avec sa duxelles de champignons d’une finesse insigne, queue de homard avec pinces pressées aux anchois de grande fraîcheur, turbot aux girolles précis, net, juste de ton, caneton rôti « Marco Polo » au poivre vert avec sa « repasse » à la moutarde en grains, ses pommes fondantes, plus de superbes pommes soufflées, juteux et démonstratif, comme une leçon de grand classicisme. Ajoutez y des crus de classe, comme le puligny montrachet les Enseignères de Verget 1997, au nez légèrement oxydé, qui fera, avec ses arômes proches du vin jaune, un accord parfait avec le crémeux de la quenelle, le puligny-montrachet les Combettes de Boillot 2004, plus frais, plus vif, joliment accordé à l’iode du homard et du turbot, plus ce chambolle musigny les Cras de Roumier en 1995 avec ce nez vineux et fruité à la fois, tirant vers le gibier, épousant à merveille le gras du canard. Il faut dire que la botte secrète de la Tour est un sommelier british, présent depuis trente ans, David Ridgway, qui veille en père protecteur sur une cave riche de quelques 350000 bouteilles. Unique! On n’oublie pas le « la » des issues sucrées qui furent toujours ici un grand moment. Le feuilleté de fraises des bois avec son sorbet fromage blanc est joliment tourné sur le thème de la légèreté et de la fraîcheur. La fameuse poire « Vie Parisienne », dédiée jadis par Claude Terrail à son ami baryton Jean Charpini, qui était le dessert phare de la demeure, a, elle, carrément changé de style.

Elle consistait en des morceaux de poires pochées servis dans une crème pâtissière parfumée à la williamine sous un caramel dur. C’est devenu une sorte de millefeuille avec les mêmes éléments, mais où le caramel remplace le feuilletage. Pourquoi pas? Mais ce qui était un dessert d’enfance est devenu un plat tendance. Signe des temps, sans doute. Je songe à la phrase de Morand que je cite de mémoire: « au nom de tant de choses nouvelles, pourquoi détruire tant de choses anciennes qui furent bonnes et nous demeurent nécessaires? »

La Tour d'Argent

15-17, quai de la Tournelle
Paris 5e
Tél. 01 43 54 23 31
Menus : 65 (déj.), 160 €
Carte : 180 - 220 €
Site: www.latourdargent.com

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