L’ange noir de Stéphanie Janicot
Qui a orchestré la mort de Lucie Fersen, le soir de Noël, ange de la musique contemporaine, génie précoce, Mozart de son temps, qui a joué de toutes les musiques, écrit, en secret, pour les uns et les autres, donnant des concerts avec succès dans le monde entier, polyglotte, assassinée en direct – mais c’est son décès n’est pas encore certain – en pleine représentation parisienne de sa Symphonie de l’Apocalypse, au moment de la percussion des cymbales? Nous suivons d’abord le tueur hitchcockien qui s’échappe vite, puis l’enquête qui va en apprendre beaucoup sur cet ange de la musique à l’existence douloureuse, marquée par la mort de sa mère dans un accident où elle faillit elle-même perdre la vie, la présence de son père qui la coupe du monde, de cet ange démoniaque qui aime vite et mal les uns et les autres, éprouve tant de difficultés à vivre en société, devient une star de rock (sous le nom de Lucifer), après s’être montrée, tôt experte en violoncelle, revient à la musique classique dans le Fersen Orchestra paternel, devenu le sien, manipulant à son tour ses proches.
L’enquête, qui constitue le gros du livre, est menée tambour battant par Sybille, jeune journaliste dans un hebdomadaire, dévolue aux faits divers de banlieue, que son responsable Culture a mené là par les hasards des vacances de la rédaction, et qui retrouve ainsi Anouk son amie/amour de jeunesse, désormais commissaire de police, plus Benjamin, leur ex amant/ami. Si Lucie Fersen meurt à 36 ans – un an de plus que Mozart -, tous les trois n’ont pas 30 ans et saisiront sans doute mieux que les autres le personnage angélique/maléfique devenu peu à peu le but de leur quête.
Ce qui démarre comme un thriller à la Klotz (« Darakan, « Killer Kid », « Yaroslav ») devient vite un roman psychologique. On comprend que de Lucie à ses divers compagnons de travail, d’amour, de famille, de vie et ses enquêtes, d’invisibles liens vont se tisser pour aboutir à la vérité. Une certaine vérité. Stéphanie Janicot (les Matriochkas, Soledad, la Mémoire du Monde), sait tirer de jolis accents de tous ses personnages, tissant habilement les liens d’un polar musical, social, psychologique d’une grand habileté. C’est écrit net, vif, efficace, sans fioriture. Comme le meurtre en direct et en concert de la géniale Lucie Fersen. Une réussite romanesque.
Fallen Angel de Stéphanie Janicot (Albin Michel, 20 €, 277 pages).