Les « quarante ans » de Marc Lambron

Article du 12 février 2017

Les « quarante ans » de Marc Lambron

Quarante ans, ça se fête ! Marc Lambron, qui est, contre toute attente, un garçon patient, a attendu vingt ans pour leur consacrer sinon un livre, du moins pour publier un journal de cette année où… Né le 4 février 1957, Marc est ce qu’on appelle un brillant garçon pour ne pas dire un surdoué: agrégé de lettres, normalien, diplômé de sciences po, énarque, conseiller d’Etat, remarqué tôt pour son premier roman (« l’Impromptu de Madrid »), brillant styliste, chroniqueur mondain lettré (ses « Carnets de Bal »), pratiquant l’éditorial, le récit, l’essai, l’interview, le portrait (pour le Figaro Madame), la critique (pour le Point), académicien français (depuis 2014),  il sait tout faire. Il rate le Goncourt deux fois: contre Amin Maalouf, pour « l’Oeil du Silence » (en 1993) qui obtiendra le Fémina, contre Patrick Rambaud, pour « 1941 ».

Ce dernier échec occupe un tiers de son nouveau livre – ce qui est sans doute long, mais permet d’évoquer, longuement la cassure de l’Occupation, le rôle à Vichy des uns et des autres, le regard sur cette période plus que troublée qui figure toujours comme une blessure ouverte. Lambron, qui a le trait sardonique et aiguisé à la Morand, son modèle, sait aussi se faire tendre confident. La mort de son père, les rencontres avec certains artistes illustres (dont Woody Allen),  les voyages, les dîners mondains (il sort beaucoup en ville, pratique les séances de ciné privées de RTL, animées par Philippe Labro, use du name dropping sans parcimonie, évoque ses proches, ses vrais copains, comme ses faux amis, ses éditeurs, passés, futurs, hypothétiques, ses rencontres avec un savant mélange d’ironie et douceur), la mort de Jean-Dominique Bauby (l’auteur du « Scaphandre et le Papillon »), de Lady Di (le dernier dimanche d’août), la dissolution de l’Assemblée sous Chirac (nous sommes, rappelons-le, en 1997) fournissent la matière d’un livre riche. Voilà près de 480 pages dédiées à la comédie littéraire et à la vie tout court (Lambron, autant connaisseur en rock, qu’en littérature universelle, est incollable sur les groupes anglais de son époque, mais aussi fortiche sur le cinéma de son temps). Il évoque encore la mort de son frère, victime du Sida (auquel il consacrera un livre mémoire « Tu n’as pas tellement changé »), passe l’entre Noël et Nouvel An chez Frédéric Mitterrand après avoir fêté Noël avec sa mère en Bretagne au Conquet, la retrouvant à Paris pour le Nouvel An, donnant ainsi l’impression d’être immobile en voyageant sans cesse, évoque ses complices des lettres, qui sont toujours sur la scène d’aujourd’hui, les Beigbeder, Neuhoff, Besson, Enthoven, Rondeau.

Bref, il fait d’un fourre-tout un brin attrape-tout, pétri de culture classique savamment frotté à l’air du temps, un élégant manuel de savoir- vivre, jouant sur l’humour autant que sur l’affect. Et surtout un roman de son temps, jamais ennuyeux, toujours surprenant. Loué soit Lambron!

Quarante ans de Marc Lambron (Grasset, 479 pages, 23 €).

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Publié le 12 février 2017 par

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