Un fou, un génie, un grand écrivain, un comédien archi-doué, un escroc, un menteur, un séducteur, un polémiste enragé, un pamphlétaire hors norme, un mythomane assoiffé par sa propre gloire, un gauchiste d’extrême droite, un opportuniste mégalomane? Qu’était donc Jean-Edern Hallier, mort à vélo, alors qu’il était quasiment aveugle, dans une rue de Deauville, prise à contre-sens? D’ailleurs cette mort subite – il y a vingt ans presque jour pour jour, soit le 12 janvier 1996, est-elle un attentat ou un décès naturel dû aux excès en tout genre de notre fou Hallier national: drogue, sexe, tabac et force alcool. Hallier amateur de vodka glacées et de jolies pépées aux poitrines généreuses, fils d’un général breton traditionaliste, compagnon de Sollers dans l’aventure Tel Quel, patron de journal (« l’Idiot International »), ami/ennemi de François Mitterrand, zélateur de Jean-Marie Le Pen comme de Fidel Castro, revit en près de 600 pages et 40 chapitres sous la houlette de Jean-Claude Lamy, ex chroniqueur à France Soir et au Figaro, qui l’a bien connu, écoutant ses proches, ayant accès à tous les dossiers intimes, tous les témoignages. Il en ressort un formidable témoignage sur la vie littéraire, politique et mondaine des années 1970 à 1990. Passionnant, déroutant, se riant de la chronologie, usant des retours en arrière, livrant des lettres non signées, mais osées, qui révèlent le séducteur, le maître chanteur, autant que le poète, chantant son époque. Du « Grand Ecrivain » au « Premier qui dort réveille l’autre », de « Fin de Siècle » aux « Carnets Impudiques » de  » l’Evangile du Fou » aux « Puissances du Mal »,  ce trublion de talent aura marqué son temps.

Jean-Edern Hallier – l’Idiot Insaisissable de Jean-Claude Lamy (Albin Michel, 594 pages, 26 €).