Hommage à Claude Imbert

Article du 23 novembre 2016
Claude Imbert © Le Point

Claude Imbert © Le Point

Cher Claude, depuis ce matin, nous sommes tous orphelins. Nous l’étions tous un peu.  Depuis quelques mois, deux ans,  je ne sais plus, tu nous avais abandonné. Un méchant AVC t’avait immobilisé à Sainte-Périne. J’étais venu te voir. M’avais tu reconnu ? Je ne sais pas, même si ton regard était perçant, ta parole était devenue muette. Toi, si chaleureux, si bavard, si drôle, si expansif, avec tes mines de chat gourmand. Tribun grec, empereur ludique, un brin tribun, quelque peu magistrat du bon goût et du bel ordre des choses, exerçant ton magistère de patron de presse avec largesse, tu avais cette formule formidable: « je ne suis pas jaloux du talent des autres« , disais-tu. Tu avais découvert les uns, soutenu les autres, applaudi aux débuts d’un tel.

Dans ta maison de Perroy, à fleur de Leman, tu avais transformé une ancienne grange en salle de spectacle. Tu pouvais y donner un concert de violon, ou partager la vedette avec Spivakov. J’y avais croisé Christophe Barbier qui venait le soir s’y produire en costume adéquat. Dans la journée, avec le cher Jean-François Revel, on refaisait le monde. On pouvait deviser de l’avenir du monde, de tes vins de coeur (tu m’avais fait connaître le Tertre Roteboeuf des Mitjavile), de littérature, de grec ancien, comme de l’histoire de Rome. Tu étais à la fois Cicéron et Brillat-Savarin, Homère et Claude Quins (ton pseudonyme, inspiré de ton village natal, lorsque tu parlais de gastronomie).

En cuisine, en vins, en politique, en littérature, dans l’usage du monde, tu demeurais un esprit libre. Nous t’aimions comme un fils. Quand je dis nous, je pense à Jacques-Pierre Amette qui eut le Goncourt en 2003 pour « la Maîtresse de Brecht », à Marc Lambron, aujourd’hui académicien, à Jean-Loup Reverier, qui dirigea les pages « villes » au Point, longtemps, à Jean-Paul Enthoven, dandy proustien, toujours fidèle, à Denis Jeambar, qui, malgré toi, partit pour l’Express – et tu pris ça pour un abandon. Tu étais le père intellectuel dont nous avions besoin. Tu n’as pas été remplacé. Tu ne le seras pas. Les gens indispensables, disait Audiard, il y en a plein les cimetières. Me comprendra-t-on si j’affirme que tu es, que tu fus, que tu restes plus indispensable qu’un autre ?

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Publié le 23 novembre 2016 par
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