1

L’humour absurde de Franz Bartelt

Article du 25 octobre 2016

L’humour absurde de Franz Bartelt

Bartelt, cet enchanteur ardennais, on le suit au moins depuis vingt ans, de « la Chasse au Grand Singe » aux « Bottes Rouges ». Avec ce recueil de treize nouvelles drôles, vives, absurdes, il offre un éventail réjouissant de sa palette. Des exemples de ce qui vous attend là? Un chanteur meurt et toute l’humanité sombre avec lui, un drôle de couple court la campagne et les brocantes, le week-end pour se reposer de leurs petites tromperies de la semaine, un as de la transformation de nom gâche sa vie en se changeant d’identité, un bandit qui s’en prend aux personnages âgées va se retrouver pris à son propre piège, des policiers, en filature, se surveillent tant les uns les autres qu’ils finissent par disparaître noyés par un mystérieux disciple du joueur de flûte de Hamelin, un homme est tellement bon qu’il finit par se livrer en pâture aux autres, un chien qui ne répond à aucun nom sinon celui d’Heil Hitler entraîne la perte de son maître, un homme cherche désespérement son fils – mais l’a-t-il vraiment perdu? On vous passe encore celle de ces élèves qui veulent faire imploser leur prof par la seule force de leur regard et ce client irascible qui s’empêtre dans sa défense de consommateur au point de se voir réduire en chien d’assaut par son épouse aimante. Mais voilà qu’on a presque défloré ce livre-piège, aux ressorts bien huilés et aux tiroirs si joliment remplis, à ‘écriture drôle, vive, cursive, agile, diablement prenante et savoureuse. Vrai, on ne s’ennuie jamais avec Franz Bartelt !

Comment vivre sans lui de Franz Bartelt (Gallimard, 264 pages, 18 €)

A propos de cet article

Publié le 25 octobre 2016 par

L’humour absurde de Franz Bartelt” : 1 avis

  • Nadine Doyen

    Comment vivre sans lui ? Franz Bartelt Nouvelles nrf

    Gallimard ( 18€- 2065 pages)

    Franz Bartelt renoue avec l’art de la nouvelle qui lui avait valu Le Prix Goncourt de la nouvelle pour Le Bar des habitudes( 2005) et le Prix de la nouvelle décerné à Lauzerte, par la librairie La Femme Renard, ( 2010).

    Qui a déjà lu des romans de Franz Bartelt, ce disciple de Jarry, s’attend à retrouver des situations invraisemblables, ubuesques,décalées,exagérées, des personnages hauts en couleurs, déjantés. Sinon on risque d’être déboussolé, choqué même. Comment interpréter le titre, ce « lui » mystérieux ?Un être humain, un animal ?

    La première nouvelle, éponyme met en scène un rhumatologue célèbre reconverti en chanteur de variété, vénéré comme un dieu, une idole, adoubé «  saint vivant » par le pape. Que penser de son aura capable de décimer d’abord un quartier, puis des « milliers d’auditeurs », et d’anéantir une ville ? Ne vaut -il pas mieux être misanthrope pour survivre? Votre voyage en Absurdie ne fait que commencer !

    Dans Plutôt le dimanche et Le fémur de Rimbaud, Franz Bartelt décline l’occupation prisée de maints concitoyens : les brocantes et vide-greniers, façon de s’aérer. Musette et Guy n’échappent pas à la règle, mais pourquoi ne sont-ils plus d’accord quant aux choix de leurs destinations ? Il y a anguille sous roche ! Chacun menant sa vie en l’absence de l’autre. L’auteur autopsie le couple enfermé dans la routine qui s’offre des parenthèses…extra conjugales ! Des scènes de coucheries pour pimenter le récit.

    On croise Zénon Pouillet, le coeur sur la main, d’une générosité exemplaire, pourtant comme Serge Joncour l’affirme: «  Ils sont rares ceux qui donnent vraiment » (1).
    Certes un tel don de soi jusqu’à sa dépouille,ses os peut perturber les âmes sensibles.

    On assiste à une rencontre féminine de «  celui qui change de pseudonyme » quotidiennement, «  connu comme l’homme aux dix mille noms de famille » .
    Le lacet, étant l’objet providentiel,devient relique ! Pas facile pour Fagnette de s’y retrouver dans les prénoms de son amant ! Coup de théâtre quand elle les confond.

    La rencontre avec Heil Hitler , ce berger allemand, indifférent à la pléthore de noms dont son maître l’avait baptisé, mais pas aux paroles de soldats allemands, entendus à la télé, a de quoi surprendre. Comment peut-il réagir, obéir à ce seul nom ?!

    La mort hante plusieurs nouvelles, d’où ce déferlement de noirceur pour les cas désespérés, que Franz Bartelt contrecarre par sa pincée d’humour. Lire ce recueil , en étant «  blindé», car les personnages tombent comme des mouches, d’autres fomentent parfois «  de noirs desseins ». On se surveille,on enquête, ça décime, extermine, pilonne, bombarde, les corps explosent,coulent. Le summum de l’horreur !
    Un «  banal écrivain » se voit rattrapé par tous ces personnages qui peuplent ses livres et tombe de Charybde en Scylla. A-t-il rêvé ? Va-t-il être la proie du vampire ?
    Mais l’amour est aussi au rendez-vous et le vin «  priapise »! «  Le vin constitue une excellente préparation aux engagements de la passion ».
    Dans la dernière nouvelle, l’auteur montre où la dépendance amoureuse peut conduire : hilarant vaudeville, virant au «  sadomasochisme » !
    Des héros font l’objet d’hommages !

    En filigrane, l’auteur soulève le désintérêt des jeunes pour la lecture, «  une maltraitance » ! Il radiographie la relation enseignant/enseigné et souligne comment un fait divers sordide peut influencer des jeunes, «  vingt-six férocités incandescentes », au point d’en commettre un identique, même préparation, même pression sur le groupe. La tension monte durant ces semaines de mise au point de leur fatidique plan quand un rebondissement survient ! Au diable le suspense !
    Franz Bartelt n’hésite pas à tacler les fonctionnaires,la police, les commerçants.
    Il soulève les problèmes de notre société : le manque de tolérance, la rivalité, les liens hiérarchiques ( entre boss et subordonné),le paraître, l’existence de Dieu, la jalousie.

    Dans ce recueil de treize nouvelles décapantes, grand-guignolesques, on retrouve avec délectation la propension à la démesure de Franz Bartelt, aux énumérations, aux listes, à sa façon de mixer des noms de lieux pour en forger de nouveaux : «  Anthaouste », «  Holdincourt ». Les prénoms féminins sont assez insolites :«  Bavarine, Younesse, Gayette, Raviola », tout comme les masculins : «  Missaire ».

    Franz Bartelt a fait sienne la devise de l’artiste Marcellin : «  Étonner » , surprendre.
    Il campe des personnages qui défient l’entendement et rendent la lecture jubilatoire.
    Une fois refermé ce recueil, truffé de formules nous tatouant, le sourire encore aux lèvres, on se dit :Comment ne pas être addictif aux livres de Franz Bartelt, «  ce prolifique fou littéraire », «  à la philosophie imparable » (2) ? Un recueil jouissif, dérangeant,qui, on le souhaite, devrait lui apporter le Prix de l’humour noir.

    (1) REPOSE-TOI SUR MOI de Serge Joncour Prix Interallié,
    Meilleur roman français, 2016, Palmarès du magazine LIRE
    (2) Portrait de Franz Bartelt par Martine Laval ( Télérama du 23/11.2005)

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !