Le goût de la Champagne selon Philippe Mille

Article du 3 octobre 2016

Le goût de la Champagne selon Philippe Mille

On n’est pas trop sûr que les éditeurs comprennent réellement les cuisiniers et la gastronomie, sachent les mettre en valeur avec sûreté. Prenez l’ouvrage de Philippe Mille, un chef qu’on adore et qu’on a toujours vanté ici même – dont on s’étonnait d’ailleurs qu’il n’ait pas encore reçu l’onction des trois étoiles. Le titre de son livre met à côté de la plaque et ne correspond à rien de ce qui se trouve à l’intérieur. La bande annonce (« la nouvelle révélation de la cuisine française« ) laisse entendre que l’auteur, doublement étoilé depuis belle lurette, champion de France de cuisine artistique 2008, Bocuse de Bronze 2009 et MOF 2011, est un perdreau de la dernière couvée. Reste que si l’enrobage est frelaté, le livre bon, très bon même et largement pédagogique, enseignant la richesse de la Champagne et du terroir champenois dans son ensemble, comme le précise avec enthousiasme Laurent Gardinier dans sa préface. Car il s’agit bien ici de louer de le goût de la Champagne à travers ses artisans du goût. Producteurs de vinaigre, de biscuit rose, de lentillon, d’andouillette à la ficelle, d’échalote grise, d’asperge, de truffe, de miel, de safran, de café, de bière, de malt, d’écrevisses, de fromages de Langres ou de  Chaource, mais aussi de chèvre, de tomme, de Rocroi, de jambon de Reims et de caille d’élevage sont ici mis en valeur avec brio. Les textes empruntent parfois un tour un peu naïf voire carrément simplet (« Je viens de prendre en main les cuisines du Domaine Les Crayères. En arpentant  les allées du marché du Boulingrin, lieu incontournable de la vie rémoise, je suis attiré par la couleur originale de certaines carottes puis séduit par le discours de leur jeune producteur…« ).

Les photos sont souvent en limite de la fadeur, comme s’il fallait ne pas imprimer le paysage et laisser le terroir, ses fruits, ses artisans valeureux s’exprimer. Pourtant, le miracle finit par agir, avec des pages enthousiastes, des rencontres toniques, des recettes probantes et une manière de brasser son sujet qui donne envie de redécouvrir le pays aubois ou champenois, les parages d’Ardenne, comme la forêt d’Argonne. Intact et brut, lui, le talent de Philippe Mille comme sa générosité envers ses producteurs le sont totalement, fièrement, fidèlement.

Le Goût à l’Etat Brut de Philippe Mille, photos d’Anne-Emmanuelle Thion, textes de Catherine Coutant (Albin Michel, 240 pages, 39 €).

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Publié le 3 octobre 2016 par

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