Les ressources inhumaines de Frédéric Viguier

Article du 21 septembre 2016

Les ressources inhumaines de Frédéric Viguier

Dans une rentrée un peu brouillée, un joli rattrapage de l’an passé: ce roman figure sur la liste du prix du premier roman cette année. Il raconte, de manière réussie, l’ascension – et l’on n’en dira pas plus – d’une stagiaire dans un hypermarché qui en démonte l’organisation absurde, le système de promotion improbable, le modèle économique aberrant. L’héroïne: une stagiaire qui devient peu chef du rayon textile, sans réelle compétence, mais avec un malice très sinueuse, y compris en utilisant ses charmes, en séduisant notamment son chef de secteur devenu peu à peu son mentor. L’ascension, c’est la première partie du livre. La seconde évoque, vingt ans après, la gestion de son poste de la stagiaire devenu responsable de haut vol, dirigeant et séduisant, malgré elle, un jeune stagiaire doué. Cette entreprise qui dévore ses enfants, tel Cronos, le dieu de la mythologie grecque, peut évoquer aussi l’Imprécateur, de René-Victor Pilhes, qui dénonçait les fissures morales d’une entreprise apparemment solide.

Ces « Ressources inhumaines » empruntent avec brio des chemins parallèles. Les héros n’ont pas de nom, au contraire des personnages secondaires, les « virés », comme la pauvre Gisèle, qui est vite remplacée par notre stagiaire, ou Robert, l’ex chef de secteur devenu fournisseur occulte et gourou. L’écriture est percutante, l’univers glaçant, l’analyse à la fois spectrale, judicieuse, sans concession aucune. Sujet social, roman de l’absence d’ambition mené à son terme sans effusion d’aucune sorte, voilà, dans tous les cas, une cinglante réussite.

Ressources inhumaines, de Frédéric Viguier (Albin Michel, 281 pages, 19 €).

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Publié le 21 septembre 2016 par

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