Mabanckou, voyageur lettré du monde

Article du 5 septembre 2016

9782246802198-001-X

Alain Mabanckou ? Un voyageur lettré du monde francophone. L’auteur de « Petit Piment » et de « Black Bazar », le romancier lauréé par le Renaudot avec « Mémoires de porc-épic », natif de Pointe Noire au Congo (Brazzaville), professeur de littérature en Californie (à UCLA), invité en 2015-2016 à la chaire de création artistique au Collège Artistique, vient de publier un essai vagabond et passionnant, drôle, savant et même jubilatoire. Son propos? Traquer la langue française et ses amoureux partout où ils se trouvent, hors la France s’entend. La carte qui débute son essai et évoque son périple, où des écrivains stars, des inconnus absolus, des auteurs à découvrir, se donnent le mot, est éloquente: le seul « Parisien » du livre est JMG Le Clézio, qui est aussi bien citoyen de Nice, de l’île Maurice que du Nouveau Mexique (et qui reçoit ça et là les mêmes livres).

Mabanckou, qui possède une mémoire phénoménale et un don d’évocation hors norme, raconte les grands noms de la négritude, cite Glissant, Métellus, Césaire ou Senghor, raconte Laferrière, Manet et Sabato par le menu, manie l’humour et la belle humeur avec un sacré sens picaresque. Ses rencontres avec ses compatriotes congolais Sony Labou Tansi (entre un stade de football et sa cabane envahie par le végétation) ou Tchicaya U’Tamsi, occasionnant des scénettes amusantes, sont de petits chefs d’oeuvres burlesques.

Au salon du livre de Morges en Suisse. Un photographe marche tout habillé dans le lac Léman pour portraiturer Dany Laferrière et Alain Mabanckou. ©Maurice Rougemont/Opale

Au salon du livre de Morges en Suisse. Un photographe marche tout habillé dans le lac Léman pour portraiturer Dany Laferrière et Alain Mabanckou. ©Maurice Rougemont/Opale

Le rire donne ici la main à l’émotion (la rencontre avec le vagabond Sérafin à la Nouvelle Orléans), la volonté de faire découvrir les méconnus de talent est manifeste (avec la suisso-gabonaise Bessora) et le lecteur vite conquis. On aimera aussi le portrait coloré, à Paris, du quartier de Château-Rouge, où l’auteur réside lorsqu’il est dans la capitale, comme la rencontre avec Douglas Kennedy au bar de la Mamounia de Marrakech, qui refuse de s’exprimer en anglais. Autant dire que cette ode à la langue française à travers ceux qui la pratiquent se lit avec un infini plaisir. Sitôt la dernière page achevée (sur un bel aphorisme emprunté à James Baldwin – « ceux qui pensent qu’il est impossible d’agir sont généralement interrompus par ceux qui agissent« ), on se prend à revenir en arrière. Si le monde est un langage, Mabanckou est son héraut.

Le monde est mon langage d’Alain Mabanckou (Grasset, 315 pages, 19 €).

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Publié le 5 septembre 2016 par

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