La Bauhinia
« La Bauhinia (Paris 16e): le Shangri-La est là »
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Voilà enfin, après trois ans et demi de travaux, le mystère dévoilé. Voilà le beau palais de Roland Bonaparte ouvert et restauré, place Iéna, face au Conseil Economique et Social. Le lieu, c’est l’hôtel Shangri-La, est encore en rodage. Mais côté table, la Bauhinia, qui emprunte son nom à la fleur exotique ornant le drapeau de Hong Kong, assure, en étant ouvert tous les jours, depuis le petit déjeuner dès 6h30 au l’heure du thé, jouant le lounge relax, mais chic, comme le gastro bon genre, sur un mode franco-asiate très réussi. Philippe Labbé y donne déjà la mesure de ce qu’il sait faire. Ce technicien hors pair, modeste, précis, rigoureux, comme on le suggère chez les gens de l’Est (il est natif de Troyes), réalise une fusion Est/Ouest brillante, nette, sans fard et sans faille.
Le décor de table de luxe colorée, en vert céladon et fleuri, signé Pierre-Yves Rochon, s’articule discrètement sur deux étages – un rez de chaussée plus une mezzanine – jouant le luxe bcbg. Nous sommes dans le 16e, rappelons. Et l’on peut aisément imaginer un décor de pièce de théâtre ou de film qui s’intitulerait « Marie Chantal en Malaisie ». Du reste, tout le Ranelagh, Auteuil et la Muette vient découvrir les lieux avec un mélange d’étonnement exotique et ravi, trustant les places (80 couverts maxi) de ce lieu cosy, cossu, affable où l’on a vite ses aises. Le service est plus que parfait dans le genre complice, aimable, amical, sans être trop familier. Quant aux produits servis, ils sont simplement d’exception.`
Labbé ne triche pas. Le niveau de cette table « simple » est élevé. Témoins, la jolie salade de crevettes aux pamplemousse thaï, cacahuètes, vinaigrette épicée, les endives de pleine terre braisées à la crème truffée, la tartare de saumon, dorade et huîtres avec sa gelée d’eau de mer, le magnifique Otak Otak indonésien, avec sa papillote de cabillaud, sa pâte de curry jaune, son lait de coco, lime, basilic thaï, riz gluant, sauces condimentaires (tomate, concombre et menthe, piment doux), ses grosses saint Jacques de la baie de Seine, juste poêlées, servies avec des endives safranées et une jolie nage d’aromates: que de l’apparemment simple et net, traité à partir de produits d’exception, de première fraîcheur, mitonnés avec une extrême minutie, sans prise de risque inutile.
Les desserts, signés de l’artiste sucré François Perret, ne sont pas moins subtils: croustillant de pamplemousse avec fromage blanc, fine croûte de chocolat, pâte sablée ou tarte framboise et chocolat plus sorbet framboise sont vifs, fins, légers, digestes et frais. La carte des vins, courte encore, recèle des bouteilles de classe, à prix raisonnables, comme l’exquis haut médoc château Bernadotte 2002, très merlot, sur le fruit, le charme et la rondeur, tarifé sans folie 56 €. Il y a même, si on compte bien, sur une carte coûteuse, mais justifiée, une salade de mesclun à 17 € , un curry Laksa de poulet, crevettes et tofu à 28 €, un assortiment de glaces et sorbets à 12 € qui permettent de s’en tirer avec les honneurs. Bref, voilà un lieu mesuré, presque sage, dans son luxe a priori extravagant, où il faut être absolument et qui est appelé à demeurer longtemps à la mode.