Le Judas d’Amos Oz
On vous a à peu près tout dit sur Amos Oz, ici même, en évoquant ses derniers livres – « Scènes de la vie villageoise » et « Entre amis » – qui est à la fois l’écrivain creusant son sillon depuis « Ailleurs peut être » et « Mon Michaël », le militant pour la paix de « Shalom Arshav », l’homme qui s’interroge sur le destin de son pays, comparant les idéaux des origines avec la réalité d’aujourd’hui. Oz, qui pourrait faire figure de « traître » pour les faucons, s’interroge précisément sur la figure de Judas à travers deux personnages de son nouveau livre qui porte ce titre: le jeune Shmuel Asch, qui interrompt ses études et sa thèse sur « Jésus dans la tradition juive », et devient le garçon de compagnie, lecteur à ses heures pour le vieux impétueux, irascible et difficilement pénétrable Gershom Wald, sur lequel veille la belle Atalia Abravanel. Et puis le père de cette dernière, Shealtiel Abravanel, militant de la cause israélo-arabe et considéré par les fondateurs du pays. L’histoire se déroule, dans un quasi huis clos, un tantinet aéré par les promenades nocturnes de Shmuel et d’Atalia, à Jérusalem, durant l’hiver 1959/1960. Il est ici question d’amour, de paix, de trahison, de fidélité. Autant dire de valeurs universelles, qui prennent un sens à la fois singulier imagé à travers des personnages forts et attachants.
L’écriture est sobre, musicale, envoûtante. Pour un récit qui prend son temps et ne se lasse jamais, jouant sur les trajectoires intimes, débouchant sur l’éternité. D’où cette propension à se dire qu’Amos Oz ne construit que de grands livres quel que soit leur époque, leur longueur, leur propos.
Judas d’Amos Oz (traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 348 pages, 21 €).