Alain Ducasse au Dorchester
« Londres: Alain, Jean-Philippe, Damien et les autres »
C’est la grande table signée Ducasse au Dorchester, administrée par une équipe jeune et dans le vent, fidèle et motivée, dans un cadre moderne et sobre, collant à l’époque, proposant une cuisine de produits souvent venus du Royaume-Uni, exécutée avec une maestria sans pareille. Une table de démonstration? Il y a de ça. Le plaisir est garanti, la carte des vins pleine de choses, proposée par un maestro australien, qui connaît ses syrah (chez Lovat de Martinborough en Nouvelle Zélande) et chardonnays (comme le Paringa Estate à Mornington Peninsula) par coeur. La salle est bien mise en valeur par Damien Pépin, qui travailla au Plaza Athénée, et qui est le souriant sosie, comme un petit cousin, de Denis Courtiade, l’homme de salle historique de la maison Ducasse.
Autant dire que tout va bien. D’autant que Jocelyn Herland, passé au Meurice, a été remplacé par son second, l’efficace Jean-Philippe Blondet, niçois bon teint, ex du Louis XY, qui connaît la musique. La cuisine maison? Ducassienne en diable, avec des classiques qui se renouvellent, des clins d’oeil à la tradition, de l’innovation sage, du précis et du sans bavure. Ainsi le crabe du Dorset au céleri et caviar, la terrine de pintade et foie gras aux pickles de légumes, les asperges sauvages à l’œuf de caille et poutargue, le velouté à la parisienne, sur un thème végétarien, comme le foie gras poêlé aux morilles avec son condiment aux noix.
On y ajoute le superbe mariage du homard et des quenelles de volaille avec leurs pâtes mi séchées aux truffes en sauté gourmand sur un thème mis en vedette jadis à ses débuts à Paris par Alain Ducasse avenue Raymond Poincaré. On y ajoute le saint pierre aux asperges de Provence, les saint Jacques de plongée et brocoletti, le turbot aux coquillages en marinière, le canard de la maison Burgaud aux pois chiches et morilles et le carré et selle d’agneau avec son jus de cuisson, son épeautre et son ail sauvage: tous plats mitonnés au petit point, grappillés au rythme des menus habiles qui se nomment « printemps », « dégustation » ou jouent le menu-carte à prix nettement plus cléments qu’à Monaco ou dans la capitale française.
Un Ducasse raisonnable? Il y a de ça. Celui que dévoile encore des dessert splendides qui passent comme à la parade: baba comme à Monte-Carlo, servi avec un rhum cubain ou vénézuélien, vacherin contemporain aux fruits exotiques, feuillé chocolat avec son magnifique sorbet au cacao amer. Bref, une demeure telle une vitrine du savoir-vivre à la française, qui fait bel effet comme une bannière, au coeur de Londres, face à Hyde Park et en lisière de Mayfair.