Un polar littéraire, un clin d’oeil au milieu, un pied de nez à l’édition comme aux lecteurs, une réflexion sur le pourquoi et le comment de la littérature: il y a tout cela dans le dernier roman de David Foenkinos. Cet écrivain malicieux, qui prend plaisir à se renouveler d’un livre l’autre, nous avait séduit avec ses Souvenirs, la Délicatesse, comme Je vais mieux. Il imagine, là, sur un thème cher à Richard Brautigan, une bibliothèque des livres refusés, créée à Crozon, sur la pointe du Finistère, par le mystérieux Jean-Pierre Gourvec. Cette bibliothèque survivra à son fondateur et quand une éditrice (de Grasset), en compagnie de son amoureux d’écrivain y fait une brève apparition, elle y découvre un chef d’oeuvre oublié: les Dernières Heures d’une Histoire d’Amour, dont l’auteur serait le tenancier – décédé – de la pizzeria locale, le mystérieux Henri Pick, qui durant sa vie n’a écrit que des additions.

Le livre est édité, devient un best-seller. Provoque une nouvelle mode. Jack Lang a l’idée de créer une journée des livres refusés – d’ailleurs, beaucoup des protagonistes de ce livre, le patron de Grasset (Olivier Nora) et le directeur d’Albin Michel (Richard Ducousset) sont nommés ici par leur vrai  nom. Bref, si le milieu s’agite, si François Busnel, à la Grande Librairie, interroge la veuve d’Henri Pick, un journaliste, l’obstiné Jean-Michel Rouche, qui ne croit guère au mythe du pizzaiolo génial enquête sur le véritable auteur de ce livre. On le suit avec plaisir. Foenkinos s’ingénie à brouiller les pistes, et on s’amuse avec lui.

On ne dévoilera pas les multiples ressorts, ni la fin à double détente, de ce roman, drôle, bien vu, tortueux, malicieux. Foenkinos en profite pour s’interroger sur le rôle de l’écrivain, celui du lecteur. Avec des réflexions émaillant le cours du récit en forme d’aphorismes au ton d’évidence. Ainsi: « Les lecteurs se retrouvent toujours d’une manière ou d’une autre dans un livre. Lire est une excitation totalement égotique. On cherche inconsciemment ce qui nous parle. Les auteurs peuvent écrire les histoires les plus farfelues ou les plus improbables, il se trouvera toujours des lecteurs pour leur dire : « c’est incroyable, vous avez écrit ma vie ». Ou encore: « écrivain est le seul métier qui permette de rester sous une couette toute la journée en disant: je travaille« . Ou enfin: « aujourd’hui, il y a plus d’écrivains que de lecteurs« .

Le mystère Foenkinos ? Celui d’un charmeur de haute volée.

Le Mystère Henri Pick, de David Foenkinos (Gallimard, 286 pages, 19,50 €).