Le goût de la bière selon Sandrine Fillipetti

Article du 10 avril 2016

Le goût de la bière selon Sandrine Fillipetti

Voilà un livre qui manquait sans doute dans une collection électique: des textes consacrés à la bière par de grands écrivains, pas toujours célèbres, qui mettent en scène, suivant les trois chapitres, aux titres assez nébuleux, imaginés par l’auteur: « stout est bon dans le houblon« , « leçons de choses« , « de brew et de fureur« . Thomas Hardy y côtoie Dickens voisine avec Joyce, Kundera, Carson MacCullers ou Philippe Delerm. Alexandre Dumas livre une recette, Gérard Nerval narre une promenade en banlieue parisienne, Louis Pasteur donne des conseils scientifiques, tandis que Jules Huret explique la fonction de verseur de cabaret en Allemagne. C’est parfois drôle, toujours instructif, parfois truculent. Un passage de « l’Ami Fritz » pour Erckmann-Chatrian ou des « Misérables » de Hugo donnent envie de poursuivre la lecture. On reprochera à l’auteur quelques oublis notables, comme l’absence du « brave soldat Chvéïk« , de Joseph Hasek, qui fait boire à son lecteur des chopes de bière à toutes les pages. On aurait aimé également lire Stendhal (« dès Calais, je m’enivrais de bière anglaise » ) ou un passage explicatif du « Londres » de Morand sur l’art de dériver de pub en pub (« le crawling pub« ), plus quelques définitions utiles (« est ale tout ce qui n’est stout« ),  sans omettre bien sûr le texte de la fameuse chanson (« la Bière« ) de Jacques Brel:
« Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Dieu! Qu’on est bien
Ça sent la bière
De Londres à Berlin
Ça sent la bière
Donne-moi la main »

Surtout, on regrette que l’auteur – qui n’est pas notre ex ministre de la culture, mais une honorable biographe ayant commis une dizaine de titres dans cette exquise collection (que je connais bien pour y avoir moi même signé « le Goût de Strasbourg« ) -, tisse son anthologie à la paresseuse, oubliant la règle de la série: à savoir, après avoir fait précéder chaque texte d’une présentation de l’auteur, commenter ou au moins tirer une leçon de chacun des textes présentés.

On livrera, in fine, ce bon vieux proverbe alsacien (qui n’y figure pas): « C’est avec la bière que la soif commence à devenir belle ». Et on laissera le mot de la fin à Stephen King, l’auteur de Shining, également absent de l’ouvrage: « On a tous besoin de croire en quelque chose. Moi, je crois que je vais reprendre une autre bière »

Le goût de la bière, textes choisis et présentés par Sandrine Fillipetti (Mercure de France, 140 pages, 8 €).

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Publié le 10 avril 2016 par

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