2

Alsace, pays de Noël

Article du 22 décembre 2010

Une baraque du marché de Noël à Strasbourg © GP

Une journée au marché de Noël de Strasbourg permet de prendre la mesure d’une ville en fête communiant dans la même ferveur, même si s’y mêle évidemment un objectif commercial et plus communément touristique. Les petites baraques remplies de petites lampes, de guirlandes, de maisons miniatures ont repris leur place, non seulement au pied de la cathédrale, mais dans tout le centre piétonnier de Strasbourg. On me permettra de reprendre ci dessous l’entrée « Noël » de mon « Dictionnaire Amoureux de l’Alsace » (Plon), mis à jour, ici, juste pour vous.

« Alsace, pays de Noël » ou encore « Strasbourg, capitale de Noël » : voilà des slogans qui continuent de faire florès. Le TGV-Est est bondé, l’A4 voit les familles de toute la France gagner Strasbourg et son marché de Noël devenant un tantinet attrape touristes (même si, cette année, un effort de surveillance et de rigueur a été fait par la mairie veillant à ce que seule l’authenticité ait droit de … cité). L’arbre de Noël de la place Kléber est toujours l’un des plus hauts de France. Les maisonnettes censées vendre les décorations de l’arbre saint ont essaimé place Broglie, rue du Dôme, place de la Cathédrale, place Gutenberg. Et toutes les belles vitrines gourmandes de la ville, la pâtisserie Christian et sa façade peinte par Edgar Malher, la charcuterie Frick-Lutz, rue des Orfèvres, comme les winstubs de tradition (le Clou, Yvonne), dans le périmètre historique de la cathédrale se sont mis en habit de fête.

Façade de Christian © GP

Bref, tout Strasbourg est devenu un marché de Noël. Qui blâmerait les marchands du temple ? « Usé et usant », instille, non sans justesse,  un de mes collègues des DNA, Jacques Fortier. Pourtant, le phénomène dure, ne s’épuise pas. Le phénomène religieux est devenu fait commercial. Pourquoi pas ? C’est l’occasion pour toutes sortes de gens de « l’intérieur » de découvrir une Alsace des belles images, qui a le parfum du vin chaud et de la cannelle, des « anisbredele », du berawecka et des fruits secs.

Comme dit Georges Spetz, dans son « Alsace gourmande », long poème en vers édité à la Revue Alsacienne en 1914 et dédié au gourmandise d’ici, ce dernier gâteau est bien le symbole sucré de Noël :

« Les poires en formaient le fond,

Mais il n’y en a plus que le nom :

Figues, noix, raisins et noisettes,

D’après la nouvelle recette,

Son exigés avec l’anis

Et du vieux kirsch comme jadis.

Sa croûte épaisse aux reflets d’amandes,

Vrai tronc d’arbre de givre saupoudré,

Ressemblent au mets d’une vieille légende,

Qu’au fond des bois un gnome a préparé (…) »

Les Noëls d’autrefois ont toujours ce goût là. Odeurs d’épices dans une maison chaude, pommes, poires, vins et cannelle mêlés : le juif que je suis y trouvais là son charme, même si Noël était d’abord « la fête des autres ». Les marchés de l’enfant Jésus (« Christkindelmärik ») se sont multipliés. Il en est même à Paris aux Champs Elysées. Le plus authentique, dévolu aux petits objets visant à décorer le sapin et à orner la crèche, se trouve sans nul doute à Kaysersberg.

On aura cependant une tendre pensée pour Sélestat qui demeure la capitale du sapin. Une chronique de 1546 mentionne déjà cet arbre décoré de pommes et d’hosties, rappelant l’arbre du paradis terrestre. Jadis, les fêtes commençaient avec la Saint-Nicolas et son pendant méchant, le Hans Trapp ou « père fouettard », que redoutaient les enfants.

Le sapin, couvert de bonbons, de cadeaux, de bougies, serait-il aujourd’hui un objet désuet. Même s’il vient davantage à Paris des forêts du Morvan que des Vosges, il demeure le symbole de la famille retrouvée et réunie. Noël, on le sait, est souvent le temps des suicides, de la déprime des solitaires, de ceux qu’on force à être joyeux alors qu’ils n’en peuvent mais et que, comme dit Cesar Pavese, le « métier de vivre » est difficile, ou encore, selon Jean-Claude Izzo, « vivre fatigue ».

Un dernier mot, iconoclaste et ironique, sur « l’Alsace, pays de Noël », célébré par les affiches de tourisme. Les visiteurs d’ailleurs sont conviés à venir entre Wissembourg et Ferrette, je veux dire de l’extrême Nord à l’extrême Sud de la région, faire la fête de l’avent au jour de l’an. Mais c’est précisément le moment où auberges, tavernes, restaurants, winstubs, bref où les adresses conviviales et  véritablement locales ferment leurs portes.

Comment demander aux touristes de venir découvrir la région si on ne peut les nourrir le 24 au soir ou même le 25, car tradition oblige, pour les fêtes, les employés de restaurants sont chez eux en famille. Si d’aventure Jésus, Joseph, Marie, le bœuf et l’âne gris cherchaient table en Alsace et singulièrement à Strasbourg, ils y trouveraient sans nul doute porte close.

Capitale de Noël : d’accord et même ok. Mais juste avant et après l’événement. Pas pendant.

A propos de cet article

Publié le 22 décembre 2010 par

Alsace, pays de Noël” : 2 avis

  • frjmdlc

    Merci pour ces belles photos.
    Je retrouve bien mon Alsace durant les fêtes de fin d’année.
    avez vous le nom du stand des maisons Alsacienne en miniatures ?
    merci

  • Strasbourg a vraiment quelque chose de « magique » lors des périodes de fêtes !

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !