L’arbre de Philippe Claudel
L’arbre du pays Toraja, qui donne son titre au nouveau roman de Philippe Claudel, est comme un talisman, non pas une légende, mais une parabole. Dans l’île de Sulawesi, en Indonésie, là où les habitants – les Toraya – s’accoutument à vivre avec l’idée et la vérité de la mort, un arbre en lisière de forêt a été profondément creusé pour recueillir, à même le tronc de l’arbre, le corps des jeunes enfants décédés. Au fil des ans, la « chair » de l’arbre se referme, gardant le corps, lui faisant accomplir un nouveau voyage.
Le narrateur de ce livre – qui se ressemble beaucoup à l’auteur, il est cinéaste, d’origine lorraine, attaché à ses racines – s’interroge sur ses disparus et, à sa manière sensible, les fait revenir à la vie dans ses pages. Il rend surtout hommage à Eugène, son producteur, qui fait évidemment songer à Jean-Marc Roberts, qui fut l’éditeur de Claudel chez Stock (à qui il consacré un ouvrage « Jean-Bark », mais aussi à ses deux femmes proches, Elena et Florence. Il évoque son goût de l’alpinisme, de l’aventure et du voyage, explique, au milieu de sa vie, les choses qui le font vibrer. C’est comme un témoignage personnel en forme de confession et de bilan, qui révèle une autre facette de l’auteur des « Ames Grises, de « La Petite Fille de Monsieur Linh », de « Meuse l’Oubli », du « Rapport de Brodeck », mais aussi du réalisateur de « Il y a longtemps que je t’aime », « Tous les soleils », « Avant l’Hiver » et « Une Enfance ». Claudel se révèle à travers toute son oeuvre diverse, livres de fiction, albums illustrés, films, comme un conteur humaniste, un homme profondément attaché à la vie, aux autres.
On lit cet arbre fictionnel et partiellement autobiographique comme une ode à l’existence, une réflexion positive sur la mort. Il y évoque ainsi Michel Piccoli, convié à tourner nu un rôle mémorable qu’il compare au fameux « Transi » de Ligier Richier, qui figure dans l’église Saint-Etienne de Bar-le-Duc, et où le sculpteur a représenté le seigneur René de Chalon, les chairs décomposées sur un squelette, trois ans après sa mort. Est-ce assez pour se dire que ce livre complice, profondément humain, est à la fois prenant, sensible, forcément bouleversant ?
L’arbre du pays Toraja, de Philippe Claudel (Stock, 216 p., 18 €)
Très joli livre, émouvant et sensible, digne de l’auteur des « Âmes Grises ». Son précédent livre, « De quelques amoureux des livres… » est également fort recommandable. Bravo à GP d’associer régulièrement dans son blog le bon manger et le plaisir de la littérature.