Michel Tournier © Maurice Rougemont

Il était notre Montaigne, notre écrivain philosophe au quotidien, avait publié de grands livres qui étaient comme des paraboles (« Vendredi ou les Limbes du Pacifique », devenu, pour les enfants, « Vendredi ou la Vie Sauvage », « le Roi des Aulnes », « les Météores », « Gaspard, Melchior et Balthazar », « la Goutte d’Or »). Il réinterprétait les mythes, écrivait son « Robinson Crusoé » et son « ïle au Trésor », faisant revivre « Castor et Pollux », comme les Rois Mages. Voyageur intrépide et ludique, mais aussi photographe, ami, d’Edouard Boubat (« Des Clés et des Serrures »), il avait donné une autobiographie contant son apprentissage d’étudiant à Tübingen, en Allemagne, de jeune français germanophile (« le Vent Paraclet »).

Michel Tournier © Maurice Rougemont

Ce fou de Flaubert (il adorait les Trois Contes, mais aussi Salammbô), qui était aussi l’ermite de Choisel, habitant un prieuré dans la vallée de Chevreuse, ne sortait plus guère, ne recevait plus beaucoup. Ouvert aux hommes, formidablement curieux, il avouait qu’il s’ennuyait, avait démissionné de l’Académie Goncourt car il n’avait plus d’appétit. Avec mon copain photographe, Maurice Rougemont, pour les Nouvelles Littéraires, il nous avait accueilli avec amabilité, sourire, complicité.

Michel Tournier © Maurice Rougemont

Nous voyant arriver avec une dépanneuse, à la suite d’un ennui mécanique, il s’était étonné en riant, de nous voir avec une voiture portée par un engin roulant: « C’est la phorie », s’était il écrié, « la voiture portée par la voiture« , faisant allusion au mythe du Roi des Aulnes, celui de Saint Christophe et du porteur d’enfant. Tout chez lui est sujet à conte, réflexion, aphorisme, sagesse. Il restera notre oeil critique et malicieux, offrant une traduction claire aux mystères du monde.

Michel Tournier © Maurice Rougemont