Ce n’est rien d’autre qu’un simple village sur la route reliant les Alpes vaudoises à l’Oberland. Un clocher qui ruse avec le ciel, un prieuré attenant devenu château, puis une placette, des fermes anciennes de bois brûlé et leurs frontons sculptés.

Chaque demeure raconte une histoire. La plus belle maison du pays – le Grand Chalet de Rossinière – étonne, avec ses 113 fenêtres, ses frises, ses inscriptions, ses peintures. Elle appartint à Balthus. On y imagine que le grand peintre secret en quête de calme trouva plaisant refuge dans ce coin de la vallée de la Sarine, entre le défilé de la Tine et les lisières bernoises.

Les mondanités de Gstaad sont toutes proches. L’Oberland, haut pays des montagnes, mène d’Interlaken (littéralement entre les lacs) à Zweisimmen, jusqu’au Saanenland. Le pays d’Enhaut (sa traduction française) est la partie du canton de Vaud flirtant avec les Alpes bernoises. Les villages et hameaux (Rossinière, Château d’Oex, l’Etivaz, Flendruz, Rougemont) sont francophones, mais les traditions (l’usage du papier découpé ou des « rebibes », ces copeaux de fromage que l’on déguste sur une planche de bois avec du pain bis et un déci de fendant) leur sont commun. C’est qu’à l’origine le même baillage regroupait les communes des deux régions.

Dès 1312, les gens de Saanen ont pu racheter les droits de leurs maîtres, qui étaient les comtes de Gruyère. En 1555, après la faillite du comte Michel, Berne règne sur la contrée qui regroupe aussi bien des villages alémaniques (de Saanen à Gsteig) que francophone (de Rossinière à Rougemont), mais ils ont tous en commun d’accepter la Réforme. Les habitants, quelle que soit leur langue, inscrivent leur foi en toutes lettres gravées sur les façades de leurs maisons devenues des trésors d’art populaire.

Si de cruels incendies ont ravagé une partie de Saanen en 1575 et presque tout Château d’Oex, reconstruit à l’époque moderne, Rougemont demeure le meilleur témoin de cette Suisse d’avant la modernisation qui a mis en valeur avec fierté ses trésors rustiques et imaginé, avec le concours du poète et ancien Louis Saugy, un chemin historique sillonnant le bourg. Les moines de Cluny bâtirent un prieuré de style roman dès 1080. Son château, lui, fut édifié sur son emplacement en 1575. Il est privé, ne se visite pas, mais s’admire depuis l’entrée. L’église, dont le toit retombant modifié et les fenêtres agrandies, impressionne, par sa sobre beauté.

Le village s’étale au pied de la Videmanette qui culmine à 2140 mètres et auquel on accède par une télécabine. Depuis le sommet, l’on aperçoit les crêtes neigeuses de la Jungfrau, les lacs de Retaud ou de l’Achensee, mais aussi les cimes de la Tornette et des Diablerets. On pratique ici un ski tranquille sous un ciel généreux. Les 250 km de pistes et les 69 remontées mécaniques de Gstaad, glorieuse voisine, sous aisément accessibles. Et plus de 30 km de fond sont balisées avec soin pour les amateurs de glisse paisible dans un paysage sylvestre. L’été et l’arrière-saison, c’est le bonheur du marcheur qui trouve là un paradis à sa mesure.

Mais le plaisir de Rougemont est celui de déambuler dans un village de carte postale. Les auberges rustiques, tel le Cerf avec sa collection de papiers collés et ses boiseries, qui vit passer tout le Hollywood des années 50, alors en goguette à Gstaad. Ou encore l’Hôtel de Commune qui a le charme de sa simplicité bon enfant.  La maison du Cordier, qui date de 1655, laisse voir sa belle symétrie d’escaliers et de galeries, si typiques des habitations de la vallée, est de ces chefs d’œuvre tranquilles, comme les cinq demeures alignées sur le chemin de l’ancienne poste, dont l’une, la plus ancienne, est de 1623. La fontaine à « baudrons », cet assemblage de boulons de planches sciées dans un sapin, les deux corbeaux sculptés des Foises ou encore la façade ouvragée de la Cotze, avec ses ours de Berne, racontent avec ferveur l’histoire d’un village qui fait la nique au temps et aux modes avec superbe.

Carnet de Route

Y aller

Train Paris-Lausanne TGV puis Lausanne-Montreux et enfin la ligne panoramique du Montreux-Oberland-Bernois (MOB). (Rens. 08 36 35 35).

Dormir

Hôtel de Commune, Tél. 026/925. 11.00. Ch. 65-138 €. 1/2 pens: 24 €(suppl.). Au cœur du village, halte de charme avec sa façade ancienne, son enseigne, ses chambres simplettes, sa cuisine ménagère. Accueil adorable.

Hôtel de Rougemont. Tél. 026/925 80 80. Hotel-rougemont@smile.ch, Fax 026/925 91 85. Ch. 250-375 FS. Hôtel moderne en lisière du village avec chambres sobres, piscine couverte, sauna, jardin.

Hôtel Valrose. Tél. 026/925 81 46. Info@valrose.ch, Fax 026/925 88 54. Ch. 65-150FS. 1/2 pens. 20 FS (suppl.). Rustique, sympathique, pas chère, une auberge aux chambres simples, mais bien tenues.

Manger

Le Comptoir d’Enhaut by Tchou, le village, BP 97, Rougemont. Tél. 026/ 925 01 45. Carte : 75 €.
Patrick Tschudin reçoit le tout Genève en goguette dans ce qui fut le réfectoire d’un ancien pensionnat de jeunes filles. Cuisine à la mode (sashimi de thon), régionale (tomme chaude de Rougemont à l’huile de truffe) et classique (entrecôte sauce Café de Paris) bien vue.

Café du Cerf, Rougemont. Tél. 026/925 81 23. Carte: 45  €.
Auberge historique et boisée, avec les fameux papiers découpés et les plats éternels: croûte au fromage, raclette, « rebibes », viande séchée et sorbet aux prunes.

Rapporter

Jolis objets de déco et antiquités chez Tamara’s, pl. du village à Rougemont. Tél. 925 94 00.

Fromages à la coopérative des producteurs de fromages d’alpage « l’Etivaz », l’Etivaz. Tél. 026/924 62 81.

Papiers collés à acheter et à admirer au Foyer à Flendruz. Tél. 026/925 82 78. Fax 026/925 93 27.

Pratique

Pour appeler depuis Paris, faire le 00 41 26.

Lire

“ Guide du Routard “ Suisse ” (Hachette), Guide Vert “ Suisse ” (Michelin).

Utile

Suisse Tourisme, 11bis, rue Scribe, 75009 Paris. Tél. 00 800 100 200 30. www.myswitzerland.com

Office du Tourisme de Rougemont, Ch-1659 Rougemont. Tél. 026/925 11 66. Fax 026/925 11 67