L'Ancienne Auberge

L'Ancienne Auberge © Maurice Rougemont

Bien sûr, la place, vous la connaissez: elle a été mille fois photographiée, et reproduite partout. C’est le coeur de l’empire Blanc. Avec ses boutiques, ses façades colorées, peintes de drolatique façon, à l’ancienne, son parc sur l’arrière, ses deux hôtels, son pont qui enjambe la route, l’autre sur la Veyle et ses ombrages, près du musée des attelages. Il y a le trois étoiles (« Georges Blanc ») et puis l’Ancienne Auberge, habile reconstitution de ce qui fut jadis la maison d’Elisa, la grand-mère de l’actuel propriétaire, que Curnonsky qualifia dans les années 1920 de « meilleure cuisinière du monde ».

Escargots au beurre persillé © GP

Le lieu est magique, avec son décor de théâtre, son intérieur bistrot, ses salles en dédale, ses tables en bois,  ses nappes en papier et à carreaux rouges ,ses céramiques au sol, ses vieilles plaques publicitaires, ses vitraux. Le service est alerte, l’ambiance allègre, la cuisine débonnaire. Bref, il y a là tout ce qu’on aime dans une demeure de qualité qui s’affirme au sommet de son registre. Et qui est ici celui de la simplicité royale. François Cérésa, dans son « Petit Roman de la Gastronomie » (aux éditions du Rocher), affirme tout à trac qu’il fréquente plus volontiers l’Ancienne Auberge que le « trois étoiles » qu’il trouve chichiteux, alors que dans la première maison, il a, pleinement, ses aises.

Poulet au vinaigre © GP

Le propos est, évidemment, injuste et outrancier. Georges Blanc n’a jamais cédé à aucune mode. Il défend, depuis quarante ans, la Bresse et elle seule, avec ses appendices bourguignons et rhône-alpins, de la Dombes, du Bugey et des côtes vineuses proches Il a fait de toutes ses maisons (le Saint-Laurent, à fleur de Saône, place Blanc  à Bourg-en-Bresse, le Splendid à Lyon) des vitrines, que dis-je, des ambassades de la cuisine d’ici. Le propos de l’Ancienne Auberge est d’ailleurs celui-ci: offrir la panoplie du bon goût bressan avec ses classiques revisités, allégés et non édulcorés.

Faisselle et coulis de fruits rouges © Maurice Rougemont

Le traditionnel pâté en croûte au foie gras ou le gâteau de foie blond sauce financière, en hommage à Lucien Tendret, l’auteur de « la Cuisine au pays de Brillat-Savarin », les escargots au beurre d’herbes aillé, les grenouilles persillées « comme en Dombes », la frisée aux lardons, que rehausse une malicieuse rémoulade de sardines fraîches: voilà des entrées qui mettent joliment en appétit. On y ajoute les mets solides et frais que sont la quenelle de brochet homardine, le poulet au vinaigre, selon une recette maison, légèrement tomatée et à peine crémée, plus un riz basmati, un foie de veau label rouge avec son vinaigre de xérès plus une tombée d’épinards à la noix de muscade. Bref, que des choses vraies, solides, généreuses et cependant sans lourdeur d’aucune sorte.

Table à l'Ancienne Auberge © GP

On garde l’estomac léger et le palais net pour goûter le saint-marcellin crémeux de la mère Richard, avec sa belle salade de mesclun, ou la faisselle de fromage blanc et son coulis de fruits rouges, puis le parfait glacé clémentine avec son craquant et savoureux de chocolat aux amandes brisées. Voilà de la cuisine de grand-mère revisitée avec science, ferveur, goût et générosité. Sur lesquels les vins locaux (mâcon Azenay signé Blanc, saint amour du copain Duboeuf) font des escortes de choix. Le lieu est beau, simple, royal. Bref, on y a très vite ses aises. Une simple auberge? Mais alors la meilleure du monde!

Georges Blanc et son bistrot © Maurice Rougemont