Jérôme Garcin, qui anime le Masque et la Plume sur France Inter depuis vingt six ans, fête les 60 ans de la plus ancienne émission de radio de France – et les siens avec un an d’avance – de fort brillante façon. Lui, qui fut mon cadet aux Nouvelles Littéraires et avec qui je partageais un bureau (où se trouvait également Jean-Louis Ezine – dont il dresse ici un singulier et assez bouleversant portrait), jouant les premiers de la classe avec une sincérité sans effort, se livre ici à un exercice acrobatique de haute volée et de belle tenue. Dresser un bilan, sans rien oublier, rendre hommage aux uns, répondre aux détracteurs de l’émission qui ont du mal à saisir que celle-ci n’est autre qu’un grand théâtre culturel, considérer l’auditeur attentif comme un participant essentiel : voilà quelques uns des axes de ce livre anniversaire. Ce faisant, Jérôme dessine un portrait mosaïque du « Masque », qui se révèle drôle, vif, fervent, pertinent, bigarré, émouvant, coruscant, selon un adjectif qu’il affectionne, sous forme de dictionnaire amoureux où l’on retrouve aussi bien le créateur de la maison François-Régis Bastide – auquel il consacra jadis un bien beau livre – , les pères fondateurs, tels Bory, Polac ou Charensol, que son équipe littéraire, décrite par le menu, mais aussi les termes qui s’imposent à l’heure du bilan. De Fatalité à Usure, de Noyade (bel hommage à Guy Dumur) à Zeugma (un chapitre à la fois pédagogique, épique, fort instructif), il joue sous toutes les cordes: celle de la sensibilité, de la chaleur, de la complicité, de l’émotion, de l’ironie aussi, voire de l’autocritique. Ce livre touffu, riche, foisonnant, pourrait n’être que de circonstance. Il révèle ou plutôt confirme, un vrai talent de conteur disert, de  narrateur expert, de portraitiste au scalpel et au fusain. Bref, voilà un ouvrage d’actualité intemporelle, à lire, relire, s’imprégner, sans se lasser.

Nos dimanches soirs, de Jérôme Garcin (Grasset, France Inter, 304 pages, 19 €).