L’Aragon de Philippe Forest

Article du 21 novembre 2015

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Monumentale: la vie d’Aragon, la biographie de Philippe Forest, les échos assourdis de l’histoire entre les lignes, la naissance d’un bâtard de grand bourgeois, qu’on fit, tout jeune, passer pour le frère de sa mère, l’aventure dadaïste et surréaliste, le compagnonnage avec Breton, Tzara, Crevel, Eluard, puis l’itinéraire communiste entre Moscou et Paris, les poèmes engagés de « Front Rouge » à « Houra l’Oural » jusqu’à « la Diane Française », les révérences multiples et ambigues envers le « camarade Staline », l’amour d’Elsa, puis celui des garçons, le Roman Inachevé, les Cloches du Bâle, la Semaine Sainte, le Mentir/Vrai, l’Aragon, militant blessé, qui « couvre » Picasso pour son dessin de Staline décédé en jeune homme vivant, Mai 1968 et les débuts de Mitterrand: Philippe Forest raconte tout, convoque les ombres du passé, aussi bien André Breton, que Maurice Thorez ou Georges Marchais, mais aussi Pierre Daix, qui rédigea la première grande biographie du poète (« Une vie à changer »), et puis les témoins de la dernière heure, comme Jean Ristat (qui rédigea son « Ode pour hâter la venue du printemps » en clamant: « camarade, ne mets pas l’amour en prison »).

Aragon © DR

Aragon © DR

Que dire de ce portrait fort, chantant, bigarré d’Aragon, sans doute moins célèbre qu’il ne le fut, aimé de gauche à droite (n’est ce pas François Nourissier ou Jean d’Ormesson) et dont demeurent et demeureront les chansons de Ferré et de Ferrat inspirés de ses poèmes?

« Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s’est tant perdu de prodiges
Que je ne m’y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Comme des soleils révolus... » (le Roman Inachevé)

Glissons que Philippe Forest ne cache rien des ambiguïtés de son héros, des malices, de la fougue de surdoué et de suractif de son personnage, qui épouse son siècle avec tant de vigueur, tant de force, tant de passion. Son livre, cette biographe, dense, vive, touffue, se lit comme un roman vrai.

Aragon, chez lui, rue de Varenne en 1980 © Maurice Rougemont

Aragon, chez lui, rue de Varenne en 1980 © Maurice Rougemont

Aragon, de Philippe Forest (Gallimard, 891 pages, 29 €).

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Publié le 21 novembre 2015 par
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