Des interviews in extenso, des conversations retrouvées, des rencontres drôles, insolites, provoquées, des ponts passés entre les générations, les pays et les genres: il y a tout cela dans cet OVNI de rentrée, qui est aussi un ballon d’oxygène offert aux amoureux des mots. Frédéric Beigbeder rencontre des vivants et des morts (des disparus, devrait on dire, comme l’inénarrable Bernard Frank qui ouvre la danse de fort jolie façon, mais aussi Cossery, Stalter ou Dustan), en tire des pépites, se fait rabrouer par Sollers ou Finkelkraut, mais fort gentiment, se fait poser un lapin par Sagan, apprend que BHL comme d’Ormesson écrivent nus, que ce dernier s’habille chez Cifonelli et porte Eau de Lanvin, chipe un ou deux trucs à l’un, accouche les autres avec drôlerie, joliesse. Avec Houllebecq, Liberati ou Jay McInerney, cela tient de la connivence. Avec BHL, c’est un morceau de grand théâtre – saisi à la volée, juste avant que ce dernier ne s’envole pour l’île Maurice et le Royal Palm – on se rappellera longtemps de l’adresse à son maître d’hôtel sri lankais: « Harry? Could you please check my lunettes de natation« . On oublie de dire que Beigbeder qui a du goût – et souvent fort bon goût – aime les grandes tables (l’interview de Finkie se déroule à l’Arpège sous l’oeil goguenard d’Alain Passard, et FB s’auto-interviewe – ça ne s’invente pas ! – au Pré Catelan), mais qu’il a une appétence évidente pour la cuisine bourgeoise, qu’il préfère – nettement – Allard, ancienne manière, à Ze Kitchen Galerie, et l’Ami Louis à beaucoup d’autres. Bref, on s’amuse, on s’instruit, on se passionne. Et pour 20 € ce bel objet à lire en tout sens, et à relire sans se lasser, constitue, assurément, l’un des meilleurs rapports qualité-prix de l’année.

Conversations d’un enfant du siècle, de Frédéric Beigbeder (Grasset, 371 pages, 20 €).